Métro, boulot, KO

3500 membres du SSP ont participé à notre enquête sur la charge de travail. Après une journée de boulot, les deux tiers des interrogé-e-s se disent trop épuisé-e-s pour exercer une quelconque activité.

photo Eric Roset

Notre grande enquête sur la charge de travail a pris le pouls des membres du SSP.

Les résultats indiquent d’abord que la majorité des sondé‑e‑s sont de nature assez robuste. 76% des répondant-e-s se sentent plus ou moins en bonne santé, uniquement 3% estiment n’être clairement pas en bonne santé.

Plus de contraintes psychiques...
«Mon travail exige beaucoup de moi… ». Pour 42% des sondé-e-s, cette remarque concerne également l’aspect physique. Si les contraintes physiques sont restées stables pour une grande majorité (69%), les trois quarts des répondant-e-s (74%) indiquent que le stress psychique s’est renforcé au cours des quatre dernières années. Dans l’ensemble, les femmes évoquent plus souvent le phénomène que les hommes.

… Surtout dans les secteurs féminisés
Dans le secteur social, y compris dans le domaine de l’accueil de l’enfance, près de 75% des sondé-e-s (hommes et femmes) signalent une telle augmentation; dans les écoles, ce chiffre est de 76%. Dans la santé, les femmes (82%) sont plus nombreuses que les hommes (75%) à souligner l’augmentation de la charge psychique.

Deux tiers des répondant-e-s (67%) sont plutôt stressé-e-s ou tout à fait stressé-e-s dans leur travail. Malgré tout, une proportion équivalente (68%) se dit plutôt satisfaite ou tout à fait satisfaite de sa situation au travail.

Élément positif: 93% des répondant-e-s affirment bien s’entendre avec leurs collègues; près de la moitié, à savoir 48%, soutiennent même cette affirmation sans réserve.

D’où provient alors le stress ressenti par une large part des personnes sondées? Le résultat de notre enquête est clair.

La paperasserie augmente
L’augmentation de la «paperasserie administrative» est confirmée par un total de 84% des répondant-e-s. Seules 4% des personnes ne sont «pas d’accord du tout» avec cette affirmation, et 12% «plutôt pas d’accord». Mais plus de la moitié, à savoir 51%, sont «tout à fait d’accord» avec l’affirmation en question. Cela confirme clairement le fait suivant: des éléments sans rapport avec le cœur du travail à effectuer absorbent le temps et l’énergie que les salarié-e-s consacreraient volontiers aux tâches qu’ils/elles considèrent comme prioritaires.

Un autre élément perceptible est le sentiment de n’avoir pas assez de temps pour accomplir ces tâches principales. Cette dernière affirmation est confirmée par près de deux tiers des sondé-e-s (63%); 23% d’entre eux/elles ont indiqué être «tout à fait d’accord» avec cette affirmation.

60% des répondant-e-s soutiennent aussi l’affirmation selon laquelle leur travail est fortement influencé par des éléments extérieurs, « …si bien que je ne peux que difficilement me concentrer sur une personne ou une tâche spécifique ».

Une majorité de sondé-e-s affirme ne pas être en conditions de « faire mon travail comme je me le suis représenté et selon les connaissances acquises ».

Une analyse des branches montre que la paperasserie administrative gagne surtout du terrain dans les métiers et secteurs typiquement féminins: le social et la santé, mais également les écoles. Au niveau du social, la différence entre les sexes est minime. Elle est plus nette dans la santé et les écoles, où les femmes souffrent davantage ou se plaignent plus fréquemment que les hommes de l’augmentation de la paperasserie administrative.

Trop fatigué-e pour un ciné
Nous avons été choqués par la constatation suivante: la phrase «Après une journée normale de travail, je suis souvent tellement fatigué-e que je suis incapable d’exercer une quelconque activité» a recueilli l’approbation de 66% des sondé-e-s…

Autrement dit : une grande partie des personnes qui travaillent dans les services publics sont trop fatiguées le soir (ou à la fin de leur tour de service) pour tenter une sortie au cinéma, un concert, ou avoir des relations intimes. Après le boulot, est-il possible de cuire autre chose que des nouilles avec une sauce déjà préparée? De participer aux activités d’un club sportif ? De faire partie d’un chœur? D’aller danser? Un quart (24%) des répondant-e-s n’en sont normalement plus capables.

Les femmes sont plus nombreuses à être épuisées le soir venu, alors qu’un plus grand nombre d’hommes ont le sentiment d’être encore en mesure d’exercer certaines activités après le travail.

Constat inacceptable
« Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark »… ou dans les services publics, si la charge de travail quotidienne épuise toute l’énergie d’une personne, transformant les employé‑e‑s, le soir venu, en zombies grignoteurs de chips, vautré-e-s devant la télévision.

Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’une bonne partie de cette fatigue ne résulte probablement pas de l’activité professionnelle principale, mais de tâches annexes et supplémentaires, d’une mauvaise organisation du travail ou de difficultés rencontrées dans l’utilisation de programmes informatiques non aboutis.

Quand le travail déborde
Le décloisonnement de l’activité professionnelle progresse en raison des nouveaux médias numériques. Ce phénomène apparaît également dans l’enquête menée par le SSP.

Les vacances représentent la période la plus protégée de la sphère professionnelle. Ainsi, « seulement» 6% des sondé-e-s affirment soutenir entièrement l’affirmation selon laquelle ils/elles sont joignables professionnellement pendant leurs vacances – alors que 18% indiquent être plutôt d’accord avec la même affirmation.

En d’autres termes: pour les trois quarts des répondant-e-s, les vacances sont, dans une large mesure, exemptes de sollicitations professionnelles; pour la moitié d’entre eux et elles, c’est complètement le cas.

La joignabilité est une chose, l’obligation «ressentie» de terminer certaines tâches, de faire des téléphones ou de contrôler sa boîte d’e-mails en est une autre. Un nombre nettement plus important de personnes sont en effet concernées par ce type de travail, effectué depuis le domicile: pour 18% des sondé-e-s, il s’agit d’une réalité quotidienne; pour 23% de plus, ces situations ne sont pas rares.

Il est instructif de comparer la flexibilité horaire attendue par l’employeur et celle dont l’employé-e peut profiter pour ses obligations et besoins personnels. Parmi les sondé‑e‑s, 63% indiquent que leur employeur attend une certaine flexibilité de leur part, tandis que seulement 52% peuvent profiter eux/elles-mêmes d’une certaine souplesse.


Cet article est un extrait du dossier consacré à la question par le dernier magazine du SSP en Suisse alémanique, paru dans son édition de novembre.

Co-rédaction: Georg Christen, Christine Flitner, Tanja Lantz et Christoph Schlatter
Traduction: Patrick Vogt