Quel est l’objectif de cette plateforme de revendications climatiques ?
Julien Eggenberger – En 2019, le Congrès du SSP a décidé de participer à la Grève pour l’Avenir. La résolution adoptée alors esquisse des orientations syndicales importantes sur la question.
Pour lancer la mobilisation sur les lieux de travail le 21 mai, il est nécessaire de traduire ces axes en revendications concrètes, afin que les groupes et sections syndicales puissent se les approprier.
Ce n’est pas un processus qui se fait tout seul: l’enjeu climatique est un relativement nouveau pour les syndicats et nécessite une certaine expertise.
Le but de notre plateforme de revendications est de donner à nos militant-e-s les outils pour lancer ce débat avec les collègues.
Comment avez-vous procédé concrètement ?
Dans certains secteurs – enseignement, animation, parapublic, enfance –, des militant-e-s qui participent à la grève du climat ou s’intéressent à la question, outillé-e-s sur le thème, ont commencé spontanément à mener ce débat en perspective de la Grève pour l’avenir.
Dans d’autres, les questions climatiques n’ont jamais vraiment été traitées.
Des secteurs ont ainsi exprimé le besoin d’être conseillés sur le défi climatique et les liens à faire avec leur lieu de travail. Pour « lancer la machine », notre région a donc décidé de proposer une plateforme de revendications, conçue comme un support à la discussion. À partir de ce support, les groupes peuvent commencer le débat – amener de nouvelles demandes, en supprimer d’autres, etc.
Dans notre activité syndicale courante, nous partons souvent des revendications exprimées par la base. Sur la question climatique, le processus est un peu différent. Sur certains lieux de travail, c’est nous qui devons amener cette thématique, avec parfois un travail de conviction à mener.
C’est aussi la responsabilité des instances du syndicat de prendre ce type d’initiatives.
Comment avez-vous sélectionné vos revendications ?
Nous nous sommes concentrés sur les mesures liées au monde du travail ayant le plus fort impact climatique: celles qui ont trait aux transports, à l’alimentation et aux bâtiments.
Nous avons aussi orienté nos revendications pour qu’elles aient un effet incitatif, et non punitif, pour les salarié-e-s. Pour cela, il faut des mesures qui permettent de favoriser l’environnement tout en améliorant les conditions de travail ou de transport, ou en renforçant leur pouvoir d’achat – par exemple, en développant les indemnités de résidence ou en subventionnant la mobilité douce. Dans ce sens, nous proposons notamment d’étoffer les infrastructures à disposition, de favoriser la présence du service public sur tout le territoire – ce qui va contre le processus de concentration en cours.
Dans certains secteurs, le débat climatique ouvre aussi la possibilité de se questionner sur le métier lui-même: dans l’enseignement, comment former la nouvelle génération aux enjeux climatiques ? Dans la santé, quels liens entre protection de l’environnement, politique sanitaire et prévention ?
Pour nombre de métiers techniques effectués à l’extérieur, la question des mesures d’adaptation à prendre pour protéger les salarié-e-s face aux effets déjà présents du réchauffement – les pics de chaleur, notamment – est aussi très importante.
Vous mentionnez aussi les caisses de pension publiques…
Oui. Dans le canton de Vaud, notre syndicat a rejoint le processus Divest. Ce dernier demande que les caisses de pension arrêtent d’investir dans les entreprises les plus polluantes, et réorientent leurs investissements vers des secteurs neutres pour le climat. Nous devons, par exemple, renforcer nos pressions sur la Caisse de pension de l’Etat de Vaud pour qu’elle aille dans ce sens.
Quelles seront les prochaines étapes ?
Nous avons proposé notre plateforme de revendications à l’ensemble des groupes syndicaux de notre région. Ce qui est intéressant, c’est que la discussion prend. À la base, il y a un réel intérêt sur la question. Le fait de faire des propositions concrètes a créé de l’adhésion et ouvre le champ des possibles.
À la fin du processus, nos revendications auront évolué. Elles pourront être intégrées aux processus habituels du syndicat dans chaque secteur et adressées aux employeurs. Mais nous savons que ces derniers ne font jamais de cadeaux. Pour que nos demandes soient exaucées, nous devrons nous mobiliser sur les lieux de travail. Le 21 mai constituera un moment important dans cette perspective. Ensuite, il faudra inscrire ce mouvement sur la durée.
D’ici là, discutons avec nos collègues de la Grève pour l'Avenir, organisons-nous sur les lieux de travail et préparons la grève !
Interview de Guy Zurkinden, rédacteur