Face à la baisse des salaires réels qui sévit depuis trois ans, il est urgent d’augmenter les salaires.
Depuis que l’inflation est repartie à la hausse (fin de l’année 2020), l’Indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 7,5% (chiffre pour juillet 2024). Comme chacun·e le sait, les salaires n’ont pas suivi la même courbe. Résultat des courses: notre pouvoir d’achat ne cesse de baisser. Ainsi, entre 2020 et 2023, d’après l’Office fédéral de la statistique (OFS), les salaires réels ont diminué de 3,1%.
Du jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale!
Trois années de suite de baisse des salaires réels, c’est du jamais vu depuis la Deuxième mondiale! En réalité, la diminution est encore plus significative. L’IPC sous-estime en effet fortement l’évolution réelle du coût de la vie. Il est tout aussi fondé que les projections en matière d’AVS de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), répétées comme un mantra par Alain Berset pour faire passer la hausse de l’âge de la retraite des femmes… Il suffit de rappeler qu’en l’espace de treize mois – entre décembre 2022 et janvier 2024 –, les primes maladie ont augmenté de près de 15% en moyenne nationale. Sans même parler du fait que la productivité, tant horaire que par tête, progresse chaque année, ce qui devrait aussi être pris en compte. En clair, cette progression serait censée se traduire par une hausse des salaires, en sus de la compensation du renchérissement, ne serait-ce que pour ne pas modifier la répartition de la valeur ajoutée entre Travail et Capital au profit de ce dernier.
Pas de rattrapage en vue
Contrairement à ce que prétend la propagande des officines néo-libérales, dans le secteur public, la situation n’est guère meilleure que dans le privé. L’exemple vaudois l’atteste. L’Office des statistiques de ce canton indique qu’«au cours de la période 2020-2022 (…), dans le secteur public, le salaire réel a baissé de 4,3%» (Numerus, 4 - Juin 2024). A quelques exceptions, l’évolution dans les autres collectivités publiques est similaire. Pourtant, ces trois dernières années, le total cumulé des excédents réalisés par les cantons est de l’ordre de 8,4 milliards de francs! Et ce, sans prendre en compte les artifices comptables, très répandus, destinés à en réduire l’ampleur.
Aucune dynamique de rattrapage des pertes salariales imposées aux travailleurs·euses ne se profile toutefois. Ainsi, au premier trimestre 2024, les salaires nominaux n’ont augmenté, en Suisse, que de 0,6% ce qui est, à nouveau, largement inférieur à la hausse de l’IPC (+1,3% en juillet 2024).
Dix fois moins qu’en Allemagne!
En revanche, «les Allemands (…) ont obtenu les plus fortes augmentations depuis seize ans!» (24 heures, 1er juin 2024). Et pour cause! «Jamais l’Allemagne n’avait été confrontée à autant de grèves depuis les années 90, notamment dans les transports et les services publics» (Ibid.). Résultat des courses: les salaires nominaux ont progressé de +6,4% (salaires réels: +3,8%), soit dix fois plus qu’en Suisse (+0,6%)! La hausse a été carrément de 9,1% dans le secteur «Administration publique, défense; sécurité sociale» et de 8% dans le secteur «Education et formation».
Les actionnaires se gavent
La baisse des salaires réels est le résultat de la volonté patronale d’accaparer une part croissante de la richesse produite par les travailleurs·euses. Ce qu’illustre le versement de dividendes (la part des bénéfices des entreprises redistribuée aux actionnaires) record: en 2024, 64 milliards de francs pour les entreprises cotées au Swiss Performance Index (SPI), soit une hausse de 2,2% par rapport à l’année dernière, ce qui fait suite à une augmentation de 6,3% entre 2022 et 2023 (NZZ, 19 avril 2024). Il faut ajouter à cela les milliards encaissés à la suite de programmes de rachat d’actions, autre moyen de rémunération des actionnaires.
Redistribution sociale à l’envers
Bref, nous assistons à une redistribution sociale à l’envers, des salarié·e·s aux détenteurs de capitaux, qui ont également bénéficié, ces dernières années, d’un cadeau fiscal après l’autre: défiscalisation des dividendes, introduction de «boucliers fiscaux» de toutes sortes, diminution de l’impôt sur les bénéfices, etc.
Il est temps de changer de cap, il est vraiment temps d’augmenter les salaires!
Agostino Soldini, secrétaire central SSP
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L’IPC et ses limites
Les salaires réels sont en baisse depuis trois années car les augmentations salariales se situent à un niveau inférieur à la hausse du coût de la vie mesurée par l’Indice des prix à la consommation (IPC). Pourtant, cette manière de calculer comporte de nombreuses lacunes.
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