La Grève pour l’Avenir, c’est quoi au juste ?
Steven Tamburini – En 2019, des dizaines de milliers de jeunes ont participé à de grandes grèves scolaires, dans toute la Suisse. Objectif: exiger des mesures urgentes contre la crise climatique. Le mouvement a culminé le 28 septembre, avec plus de 100 000 manifestant-e-s à Berne.
Malgré ces mobilisations, le Conseil fédéral et le Parlement refusent de prendre des mesures forçant les multinationales et la place financière, principaux responsables de cette catastrophe, à réduire leurs émissions de CO2.
La mobilisation de la jeunesse est importante, mais insuffisante pour imposer les changements nécessaires. Car en face, la droite et le patronat font des pieds et des mains pour continuer à polluer en toute tranquillité. Pour créer un rapport de forces suffisant, la lutte pour la justice climatique et sociale doit s’étendre à toute la société – ce qui implique les lieux de travail.
C’est l’objectif de la Grève pour l’Avenir: réaliser une alliance entre jeunes, syndicats, mouvement féministe et autres collectifs, suffisamment forte pour imposer notre revendication principale: la justice climatique et sociale.
La mobilisation du 21 mai sera la première étape dans ce but. Dans cette perspective, nous avons élaboré un Manifeste de la Grève pour l’Avenir.
La lutte pour le climat concerne les syndicats au plus haut point. Pourquoi ?
La catastrophe climatique est une conséquence du capitalisme néolibéral. Dans l’objectif de maximiser les profits, ce système surexploite et épuise les ressources naturelles, mais aussi le travail humain. Cela se traduit par des attaques constantes contre l’environnement et les salarié-e-s.
Si nous n’arrivons pas à changer de cap, ce sont les travailleurs et travailleuses, d’abord les plus précarisé-e-s, qui paieront le prix colossal du cataclysme climatique. Ils et elles vont travailler dans des conditions plus dures pour des revenus plus bas, vivre avec leurs familles dans un environnement toujours plus pollué, seront exposé-e-s à des catastrophes naturelles et sanitaires plus fréquentes – alors que les services publics et les protections sociales permettant d’y faire face seront réduites.
La pandémie de Covid-19 sonne comme un ultime avertissement. Comme l’ont souligné de nombreux-euses scientifiques, le dérèglement climatique et la déforestation massive – entre autres – créent un terrain favorable au développement de nouvelles maladies infectieuses, les « zoonoses », notamment celles liées aux coronavirus.
Or qu’observe-t-on ? Sur toute la planète, les salarié-e-s les plus précaires sont le plus fortement touché-e-s par la pandémie: elles et ils tombent plus souvent malades, meurent plus souvent, se retrouvent sans emploi, voient leurs revenus chuter, leur accès à des soins de qualité est limité voire inexistant, etc. Une autre conséquence de cette crise est que les salarié-e-s « au front » dans la santé, l’éducation, etc., travaillent dans des conditions toujours plus difficiles. Tout cela, comble du cynisme, alors que la fortune des plus nanti-e-s atteint des sommets !
Cette augmentation des inégalités va se radicaliser au fur et à mesure que les conséquences de la crise écologique se multiplieront. Elle représente une menace pour les conditions de travail et d’existence d’une majorité de travailleuses et travailleurs. Cela en fait un enjeu syndical d’importance !
Que faire pour préparer le 21 mai?
La pandémie a renforcé l’isolement des gens, aussi sur les lieux de travail.
La première étape est donc de se revoir, d’organiser discussions et assemblées dans le respect des règles sanitaires. Objectif: présenter la Grève pour l’Avenir et discuter ce qu’on peut faire.
Un premier temps fort de la journée sera l’alarme qui sonnera à 11 h 59 dans tout le pays. Sur son lieu de travail ou ailleurs, il sera possible de « marquer le coup » de diverses manières. Soyons donc créatifs-ives ! Il est aussi possible d’organiser des discussions sur les enjeux écologiques et leur lien avec notre travail, avant et après cette alarme.
Dans l’après-midi, des manifestations unitaires seront ensuite organisées dans tous les cantons. L’occasion de manifester ensemble pour la justice climatique et sociale!
Le contexte est difficile. Mais si chacun-e organise quelque chose à son niveau, cela permettra de créer une base pour continuer la mobilisation dans les prochains mois. Ce serait un énorme pas en avant.
Le 21 mai sera donc un point de départ plus que d’arrivée ?
Ce sera une première mobilisation unitaire importante, mais pas suffisante pour imposer nos revendications. Nous devrons ensuite nous revoir, définir nos combats prioritaires et préparer de nouvelles échéances.
Guy Zurkinden, rédacteur
La Grève pour l’Avenir a son manifeste
Des revendications pour éviter la catastrophe
Le 6 avril dernier, la Grève pour l’Avenir a finalisé son Manifeste.
Le texte commence par un constat : « Pour éviter la catastrophe, le réchauffement climatique doit être limité à 1,5 degré. Si nous échouons, nos écosystèmes s’effondreront et les injustices sociales déjà existantes connaîtront une forte aggravation (…) Notre système économique, reposant sur une croissance illimitée, est construit de telle manière que les gouvernements, les grandes entreprises et les institutions financières n’aient aucun intérêt à apporter des réponses à ces crises ».
Ce diagnostic vient d’être confirmé par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV): le 13 avril, l’OFEV indiquait que « la Suisse manquera son objectif climatique [déjà si maigre] pour 2020 de réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ». L’an passé, ni le secteur des transports (le nombre des voitures privées a augmenté de plus de 50% depuis 1991 !), ni celui du bâtiment, ni celui de l’industrie n’ont réduit leurs émissions de CO2 – et cela, alors que la pandémie a limité les activités économiques !
La solution ne viendra donc pas des gouvernements, mais de la construction d’une « mobilisation sans précédent », portée par des collectifs organisés « dans nos quartiers, sur nos lieux de travail ou de formation », souligne le Manifeste. Le texte liste ensuite quatorze revendications centrales, parmi lesquelles on trouve notamment: l’objectif zéro carbone, à atteindre dès que possible pour éviter un réchauffement global supérieur à 1,5 degré; l’extension et le renforcement de la démocratie; le droit à la santé; le droit à un emploi durable, dans de bonnes conditions, avec une rémunération juste et un travail qui fait sens; le développement des transports publics gratuits; un renforcement de l’éducation autour des enjeux écologiques et sociaux; le droit à la libre-circulation, la mise sur pied de voies légales de migration et le renforcement de la solidarité internationale.
Pour lire l’ensemble du Manifeste: https://grevepourlavenir.ch/manifeste/
Sur le terrain
21 mai, mode d’emploi
Le 21 mai est une date importante pour le SSP et ses membres. Il s’agira de la première journée de mobilisation de la Grève pour l’Avenir, mouvement au sein duquel notre syndicat a décidé de s’engager lors de son dernier congrès.
Crises climatiques, sociales, économiques et sanitaires sont interdépendantes. L’urgence est indéniable, nous devons y répondre de manière collective !
Dans cette perspective, plusieurs régions et sections du SSP ont entamé un sérieux travail de construction. D’abord en participant aux séances unitaires de la Grève pour l’Avenir dans leur canton, puisen organisant des assemblées sur les lieux de travail afin de dégager des revendications liant conditions de travail et climat.
Vous souhaitez organiser la Grève pour l’Avenir sur votre lieu de travail?
N’hésitez pas à solliciter le SSP pour qu’il vous aide à organiser une assemblée avec vos collègues. Nous pouvons vous fournir du matériel pour stimuler les échanges, vous mettre en contact avec d’autres militant-e-s engagé-e-s dans le mouvement, ou encore réfléchir ensemble aux actions à mener le 21 mai.
Quelques idées d’actions ? Dans le respect des mesures sanitaires, invitez vos collègues à se munir d’objets bruyants et à sonner l’alarme climatique et sociale à 11h59. Organisez la lecture de vos revendications si vous en avez, une discussion pour les établir et les voter si ce n’est pas encore fait; inaugurez la création d’un collectif syndical en charge dees questions climatiques; portez l’autocollant et le badge que le SSP met à disposition de ses membres; confectionnez des affiches et banderoles et accrochez-les à un endroit visible; rejoignez les manifestations ou actions organisées par le collectif unitaire de votre région.
Partagez vos idées d’actions avec nous !
Et contactez-nous pour être épaulé-e-s dans vos démarches et interpeller votre employeur.
Léa ziegler, secrétaire syndicale ssp