En première ligne jusqu’à l’épuisement
En mars 2020, une grande partie des personnels de la santé a dû travailler pendant les premiers mois de la pandémie sans équipement de protection suffisant, en particulier dans les EMS et les soins à domicile, et même dans les hôpitaux, nous avons assisté, parfois, à un rationnement des masques et des recommandations dangereuses pour notre santé. Le Conseil fédéral est allé jusqu’à supprimer les protections de la Loi sur le travail pour nous faire travailler au-delà des 50 heures légales par semaine. Les personnes vulnérables sont restées trop longtemps sans protection suffisante.
Notre investissement n’a toujours pas été valorisé, concrètement, par les autorités cantonales et fédérales. C’est même le contraire qui se passe. Ainsi l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans est revenue sur le tapis sans la moindre considération pour les femmes qui, dans notre secteur et dans d’autres, ont assuré avec courage les soins et l’assistance aux personnes malades. Quant à la prime COVID, au mieux, elle a été distribuée avec parcimonie, dans le pire des cas, elle n’existe même pas ! Aucune augmentation des salaires et pas le moindre geste pour améliorer les conditions de travail dans notre secteur. Même l’initiative pour des soins infirmiers forts, lancée par l’Association suisse des infirmiers, n’a pas abouti à un contre-projet suffisant ; il ne prévoit pas de mesures visant à améliorer les conditions de travail et à garantir une dotation en personnel sûre et adaptée aux besoins.
Notre constat est alarmant : épuisements + maladies + démissions
Ces longs mois de pandémie sont passés sur nous comme un rouleau compresseur. Nous voyons les collègues s’épuiser les un-e-s après les autres jusqu’à la maladie. Certain-e-s démissionnent, d’autres vont voir ailleurs et finissent par constater que partout le manque de dotations et la pression pour aller toujours plus vite se sont généralisés.
La situation est critique dans de nombreux services : les taux d’absentéisme augmentent, des collègues ont développé des covid longs et risquent de souffrir de séquelles médicales à long terme. Notre santé et par ricochet la santé de nos patient-e-s, de nos résident-e-s, sont en jeu.
Le mode de financement du système de santé défaillant
Depuis des années, nous réclamons un changement du mode de financement des institutions de santé. En Suisse, nous avons les moyens de mieux faire. Il faut pour cela changer radicalement le système actuel qui joue sur la concurrence. C’est ce même système qui a encouragé les directions hospitalières à réduire les lits en soins intensifs, parce que ces lits n’étaient pas assez rentables. Nous manquons aujourd’hui de spécialistes en soins intensifs, mais ce n’est pas que cette spécialisation n’intéresse pas, c’est qu’on forme moins pour des raisons économiques. Et dans les homes, l’accès à la formation continue est minimaliste, il faut même lutter pour obtenir des cours de mise à jour indispensable à la sécurité des soins.
Rien, ni personne ne pourra changer le système de santé à notre place. Ensemble, nous devons lutter pour que nos hôpitaux, nos EMS et nos organisations de soins à domicile soient financées à hauteur de leur mission : soigner et accompagner au mieux sans aucune discrimination.
Le 31 octobre 2020, entre deux vagues COVID, nous étions à Berne pour réclamer notamment une reconnaissance sous forme de prime COVID, mais surtout de meilleures conditions de travail.