En août, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 3,5% en comparaison annuelle. Du jamais vu depuis le début des années 1990.
Les négociations salariales de cet automne seront donc essentielles pour éviter que les salarié-e-s ne subissent une baisse importante de leur pouvoir d’achat. Début septembre, l’Union syndicale suisse (USS) a exigé des augmentations salariales de 4 à 5%. Objectif: compenser l’inflation et en finir avec la stagnation des revenus du travail.
Un tournant décisif
Cela fait en effet plusieurs années que les salaires réels (déduits de l’inflation) sont à la peine. En 2022, les travailleuses et travailleurs à revenus bas et moyens ont ainsi moins gagné qu’en 2016, après déduction du renchérissement. « La situation des personnes ayant effectué un apprentissage ou une formation professionnelle supérieure s’est particulièrement dégradée. Et l’ancienneté du personnel n’a guère été récompensée financièrement », souligne l’USS.
Sans une augmentation générale des salaires, un nombre important de travailleurs-euses subiront une sévère baisse de leur pouvoir d’achat en 2023, avertit Daniel Lampart, économiste en chef de la faîtière syndicale. Celle-ci revendique donc des hausses de salaire de 4 à 5%. Ce montant comprend trois volets. D’abord, une compensation du renchérissement (entre 3 et 3,5 %). Ensuite, une progression des salaires réels de 1 % par an, reflétant la hausse des gains de productivité. Enfin, un rattrapage visant à compenser l’évolution salariale insuffisante des dernières années.
Le moment ou jamais
Pour Daniel Lampart, de nombreuses raisons plaident en faveur d’une hausse des salaires: la marche des affaires est bonne; les entreprises accumulent des profits gigantesques et ristournent des sommes historiques à leurs actionnaires (en 2021, les plus grandes sociétés du pays ont versé 42 milliards de francs à leurs actionnaires sous forme de dividendes, selon une étude du syndicat Unia); de nombreuses branches d’activité déplorent une pénurie de main-d’œuvre; la productivité du travail a enregistré une croissance marquée au cours des deux dernières années: +3,2%, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS); et dans les plus grands groupes suisses, les salaires des chefs ont augmenté de 400 000 francs par an entre 2020 et 2021. « Si au vu de tels chiffres on n’adapte pas les salaires à la réalité de la hausse du coût de la vie, quand va-t-on le faire ? » résume Pierre-Yves Maillard, président de l’USS.
Les employeurs freinent
Du côté patronal, le son de cloche est différent. Les faîtières refusent d’accorder des hausses générales de salaires. Stefan Brupbacher, directeur de Swissmem, l’association faîtière de l’industrie des machines, justifie ce refus en faisant planer la menace de suppressions d’emplois: « Si l’inflation est compensée par des augmentations de salaire excessives, cela risque de déclencher une spirale salaires-prix », argumente M. Brupbacher. Selon lui, cette « spirale » déboucherait sur une hausse des taux d’intérêt par la Banque mondiale suisse (BNS), conduisant à une récession puis à des « suppressions d’emplois massives ». « Une telle affirmation est particulièrement cynique, sachant que ce sont les entreprises qui ont majoré leurs prix », rétorque Daniel Lampart. L’argument patronal ne convainc pas non plus l’économiste Sergio Rossi, selon lequel une augmentation des salaires pourrait être financée sans problème en réduisant les revenus gigantesques de certains managers.
Et la suite ?
Tout indique que la hausse du coût de la vie va se poursuivre au cours des prochains mois. Les associations patronales faisant la sourde oreille, ne reste plus que la mobilisation pour leur faire entendre raison.
Dans cet objectif, plusieurs régions romandes du SSP tenteront d’impulser des mobilisations sur la question salariale durant le mois d’octobre.