Les données publiées par l’enquête de la deuxième banque helvétique sont alléchantes – si on se place du point de vue d’un gestionnaire de fortune – ou consternantes – si on adopte celui de la justice sociale [1].
Double record
En 2021, la pandémie n’a pas empêché la richesse globale de grimper de 12,7% par rapport à l’année précédente – le taux le plus élevé jamais atteint sur une année. La richesse mondiale a ainsi totalisé 463 600 milliards de dollars, autre chiffre record. C’est l’envolée du prix des actions – et de l’immobilier –, boosté par les milliards de liquidités injectées sur les marchés financiers par les banques centrales, qui a joué le premier rôle dans ce double record. La valeur des actions a ainsi grimpé de 31% en Inde, 28% en France, 23% aux Etats-Unis et en Italie, 22% au Canada.
Des millions de millionnaires
La croissance des patrimoines a été la plus marquée aux Etats-Unis, suivis par la Chine, le Canada, l’Inde et l’Australie. Elle a été particulièrement élevée aux sommets de la pyramide sociale. Credit Suisse comptait ainsi 62,5 millions de millionnaires fin 2021, soit 5,2 millions de plus que l’année précédente, représentant 1,2% de la population mondiale. Les Etats-Unis occupent à nouveau la première place du podium, avec 24,5 millions de millionnaires (39,2% du total). Ils sont suivis par la Chine (9,9% des millionnaires), le Japon (5,4%), le Royaume-Uni (4,6%), la France (4,5%), l’Allemagne (4,3%), le Canada (3,7%), l’Australie (3,5%), l’Italie, la Corée, les Pays-Bas, la Suisse et l’Espagne (2% chacun).
Les super-riches décollent...
Soucieux du détail, les experts de Credit Suisse proposent un découpage plus fin de ces ultra-riches. Sur les 62,5 millions de millionnaires, la banque décompte 54,1 millions (87% du total) ayant un avoir situé entre un et 5 millions de dollars; 5,4 millions (8,6% du total) détenaient entre 5 et 10 millions; 3 millions avaient un pactole supérieur à de 10 millions, dont 2,7 millions totalisant entre 10 et 50 millions. Tout en haut de la pyramide, on trouve 264'200 ultra high net worth individuals (les «individus à la valeur net ultra élevée», UHNW), détenant chacun plus de 50 millions de dollars. En deux ans, le nombre de ces super-riches a augmenté de plus de 50%. À nouveau, un record historique est battu. Champagne!
… les inégalités aussi
Même les économistes du Credit Suisse, pourtant assez éloignés des affres de ce bas monde, doivent le relever: en 2021, tout le monde n’a pas été logé à la même enseigne. La bonne fortune des ménages aisés «a fortement contrasté avec les défis médicaux et les difficultés économiques plus larges qui ont dominé dans la plupart du monde», souligne le rapport. Avec pour conséquence un nouvel accroissement des inégalités. La part de la richesse totale détenue par le 1,2% de millionnaires est ainsi passée de 35% à 48% entre 2000 et 2021. Durant la même période, la fortune concentrée entre leurs mains a été multipliée par cinq (!), passant de 41'400 milliards de dollars à 221'700 milliards – soit plus de la moitié du patrimoine global.
Cap sur 2026!
Et la suite? En 2022-2023, la situation s’annonce un poil plus délicate pour les plus aisé-e-s. Le ralentissement de la croissance, une possible récession et le recul boursier pourraient entraîner une moindre croissance, voire un léger recul de leur bas de laine. Pas de panique cependant. Au cours des cinq prochaines années, soit à l’horizon 2026, le nombre de millionnaires devrait dépasser les 87 millions, et celui des plus fortunés (50 millions et plus) se monter à 385'000. Les gestionnaires de fortune de Credit Suisse peuvent continuer à voir la vie en rose.
Chapeau la Suisse
Dans ce classement des plus riches, la Suisse tient toujours un rôle de premier choix. Selon Credit Suisse, notre pays pointe à la première place en matière de richesse moyenne par habitant (696'600 dollars), en raison du nombre très élevé de millionnaires sur notre territoire. La banque décompte en effet 1'152'000 millionnaires helvétiques – un nombre à relativiser, car il est gonflé par le montant des avoirs LPP. En 2018, l’administration fédérale des contributions, qui ne prend pas en compte l’épargne vieillesse, annonçait de son côté 332'933 contribuables déclarant une fortune d’un million de francs ou plus. Un chiffre qui reste tout à fait respectable.
[1] Credit Suisse: Global Wealth report 2022.
