Les travailleuses perdantes de la LPP

Etrange débat celui sur la réforme de la LPP, où l’on entend des représentant·e·s des partis de droite et les grands patrons défendre les personnes avec des bas salaires et des temps partiels et dénoncer une « gauche » qui aurait abandonné la lutte en faveur des femmes.

Valdemar Verissimo

Le camp du oui a le soutien généreux – près d’un million de francs – de l’Association suisse des assurances et d’AXA. Cet argent finance, entre autres, les affiches format mondial qui tapissent nos villes et villages et sur lesquels on peut lire : « mon travail mérite une solide retraite ». Verrons-nous demain, des affiches du même camp pour proclamer : « mon travail mérite un bon salaire » ?

Sérieusement, de qui se moque-t-on?

Le camp du oui à la réforme de la LPP est le même qui a fait campagne pour nous faire travailler jusqu’à 65 ans, en prétendant que les finances de l’AVS allaient mal, alors qu’il y avait près de 50 milliards de francs de fortune. Depuis on a découvert l’erreur monumentale de l’OFAS qui surestimait le déficit de l’AVS. Une faute qui remet en cause jusqu’au résultat du vote, contesté par plusieurs recours déposés au Tribunal fédéral. Le camp du oui à la réforme de la LPP est aussi le même qui a combattu avec acharnement la 13e rente et qui refuse de la financer avec une hausse des cotisations salariales, très modeste en comparaison aux augmentations de cotisations que les bas salaires subiraient si la réforme de la LPP devait passer en votation.

Que chacun·e en juge : une 13e rente (en moyenne 1’900 francs), coûte pour un salaire de 25'000 francs par an, quel que soit l’âge,17 francs par mois en tout et pour tout, partie employeur incluse. Une rente qui sera indexée au coût de la vie et qui ne sera pas prise en compte pour le calcul des prestations complémentaires. Avec la révision de la LPP, pour ce même salaire, le coût supplémentaire serait selon l’âge de 129 à 187 francs de plus par mois, à partager avec l’employeur. Pour quelle rente ? Mystère et boule de gomme. Personne ne sait vraiment.

La bataille de chiffres fait rage. Prenons néanmoins les calculs du parlement. Contestés et à prendre avec des pincettes, ils donnent néanmoins une idée des montants en jeu. Pour une personne de 50 ans, toujours avec un salaire de 25'000 francs, le supplément de rente promis serait de 156 francs par mois. L’équivalent de la 13e rente, mais onze fois plus chère !

Le supplément le plus élevé serait de 360 francs pour les jeunes qui partiront à la retraite vers 2065… Il suffit de se tourner en arrière de 40 ans, en 1985 lors de l’entrée en vigueur de la LPP, pour se rendre compte de la vacuité de cette promesse. A l’époque, la LPP garantissait un taux de conversion de 7,2% et un taux d’intérêt sur le capital de 4%, inscrit dans la loi. C’est d’époque.

A lire et à entendre les débats, une autre question surgit. Pourquoi la droite et le patronat se battent tant pour payer plus dans la LPP, alors qu’ils ne veulent pas payer moins dans l’AVS ? Comme disait l’autre, la question est vite répondue : avec la réforme de la LPP, ce sont au total 2,1 milliards de francs de plus qui seront versés dans le 2e pilier, chaque année. Cet argent ira nourrir encore l’industrie financière.

Les travailleuses avec des bas salaires, les femmes à temps partiel ont bon dos. Elles servent de caution à une réforme qui se fait dans l’intérêt des assureurs. Car, le véritable enjeu de la votation du 22 septembre, c’est la baisse du taux de conversion de 6,8 à 6%, l’outil qui sert à baisser les rentes du 2e pilier. Car oui, à capital égal, les rentes vont baisser de 12%. C’est mathématique. Et cette baisse ne va pas concerner que le 15% d’assuré·e·s en obligatoire, mais tout le monde. Car tout le monde a une part de son capital garanti par la LPP et si on baisse le taux de conversion, c’est tout le système, obligatoire et sur-obligatoire, qui sera tiré vers le bas. On voit d’ailleurs mal les milieux économiques et les assurances faire tant de ramdam juste pour le 15% d’assuré·e·s au minimum légal.

Les femmes qui ont des bas salaires et des temps partiels méritent avant tout du respect : qu’on augmente leurs salaires, qu’on valorise les métiers féminins, qu’on mette en place de vraies mesures pour concilier travail et famille et qu’on reconnaisse le travail non rémunéré dans toutes les assurances sociales !

Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP