Nous avons été des centaines de milliers à battre le pavé et à croiser les bras le 14 juin dernier, pour crier haut et fort que le temps de l’égalité dans les faits est arrivé et que l’époque de la tolérance envers les discriminations et les violences sexistes est révolue.
Cette mobilisation historique a montré que notre combat est légitime et partagé par une majorité de femmes, mais aussi par des hommes qui en ont assez des inégalités.
Soutien de façade
Face à un tel raz-de-marée, peu de voix nous ont été hostiles – tout au moins sur le moment –, et nombre de politicien-ne-s ont affirmé leur soutien à la cause féministe. Comme le conseiller fédéral Alain Berset, qui s’est fendu d’une vidéo en soutien à la grève. Un soutien de façade et très éphémère puisque, quelques jours plus tard, le ministre socialiste annonçait son nouveau projet AVS 21, dont la mesure phare est la hausse de l’âge de la retraite des femmes – pourtant refusée en votation populaire, il y a à peine deux ans. Comme si le 14 juin n’avait été qu’un beau spectacle, qu’on applaudit en attendant que le rideau se ferme pour quitter la salle et revenir aux affaires courantes !
Pas prêtes de nous taire
Comme nous l’avons dit et répété, le 14 juin n’était qu’un début. Nous sommes bien décidées à continuer le combat, tant qu’il le faudra. La grève a lancé un mouvement de fond, et nous allons continuer à porter nos revendications tous les jours, partout: sur les lieux de vie et d’études, dans la rue et l’espace public, sur les lieux de travail. En tant que syndicat, c’est sur ce dernier terrain qu’il nous incombe d’agir en premier lieu, tout en participant à la mobilisation générale qui va se poursuivre – puisque les collectifs ont décidé, tant au niveau local que romand et national, de continuer à exister et s’organiser pour poursuivre le combat. Une coordination nationale, avec une large participation de toute la Suisse, s’est d’ores et déjà réunie. Elle a discuté de l’avenir du mouvement et élaboré un agenda féministe pour l’année à venir. Car ce que nous voulons, ce sont des mesures concrètes qui changent nos vies au quotidien !
Employeurs publics à la traîne
Force est de constater que le secteur public est à la traîne en matière d’égalité, alors qu’il devrait être un employeur exemplaire ! Certes, nos élu-e-s peuvent se prévaloir d’une moindre inégalité salariale: 19,6% dans le secteur privé, contre 16,7% dans le public. Mais le secteur public ne saurait s’enorgueillir de cette petite différence. Certes, nos autorités peuvent raconter que, à fonction égale, le salaire est égal. Mais que vaut ce principe dans un secteur comme celui de l’accueil de l’enfance, où 95% du personnel est féminin ? Et que dire du fait que les classes salariales les moins rémunérées regroupent une majorité de femmes, alors que les fonctions les mieux payées concentrent un maximum d’hommes ?
Pas de mesures d’envergure
Au-delà des salaires, force est de constater que, hormis l’adoption de quelques jours de congé paternité, fort modestes, il n’y a eu, depuis le début du nouveau millénaire, aucune mesure d’envergure pour promouvoir l’égalité dans les faits. Le congé maternité est bloqué entre 16 et 20 semaines; le congé parental payé est inexistant; en cas d’enfant ou proche malade, la plupart des collectivités publiques sont en-dessous du droit garanti par la Loi sur le travail, soit trois jours par cas de maladie. Le temps de travail n’a pas été réduit. Au contraire, nos collègues de Genève ont dû faire grève pour repousser une tentative de passer de 40 à 42 heures hebdomadaires ! Les horaires de travail sont de plus en plus étendus et flexibilisée, en particulier pour les temps partiels, en majorité féminins. Or la flexibilisation des horaires va à l’envers de toute logique de « conciliation » entre travail et famille. Elle profite surtout aux employeurs.
Les mesures positives, que ce soit en matière de promotion des carrières féminines, de décloisonnement des métiers ou encore de lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel, sont rares et inefficaces. Elles se réduisent la plupart du temps à des opérations de communication, vides de contenu et donc sans impact réel.
Face à ce constat, le SSP a donc décidé de rester à l’offensive, en lançant une campagne nationale pour l’égalité, dès le 14 septembre.
Une Campagne nationale pour l’égalité
Notre syndicat est composé majoritairement de femmes, qui travaillent pour la plupart dans des secteurs très féminisés: l’accueil de l’enfance, les soins, l’enseignement ou encore les administrations publiques ou le secteur social.
Loin de l’image stéréotypée d’une fonction publique où il fait bon travailler et où les inégalités seraient moindres que dans le privé, nous constatons tous les jours combien ces secteurs sont difficiles. Et combien les inégalités, les discriminations et le sexisme restent une réalité qui structurent tant les relations de travail que les relations entre collègues, et avec les usagères et usagers.
La période qui a précédé le 14 juin a été l’occasion de lancer de nombreuses discussions sur les lieux de travail et d’élaborer des cahiers de revendications. Nombre d’entre eux ont été remis à l’employeur. Pour le moment, nous avons reçu peu de réponses.
Certes, l’été est passé par là. Mais il s’agit maintenant de rappeler aux employeurs publics, notamment aux communes, cantons et à la Confédération, ainsi qu’à nos partenaires signataires de conventions collectives de travail dans le secteur parapublic, que nous attendons des réponses concrètes à nos propositions et que nous voulons que l’égalité progresse rapidement dans les services publics.
C’est pourquoi, le 14 septembre prochain, soit trois mois exactement après la grève féministe, le SSP lancera une campagne nationale pour appeler les employeurs publics à faire preuve d’exemplarité en matière d’égalité.
Les services publics sont en effet financés par nous toutes et tous grâce à nos impôts. Leur mission est de satisfaire les besoins et les aspirations de la population – des aspirations qui comprennent une société fondée sur l’égalité des genres, exempte de sexisme, de toute forme de violence et de harcèlement sexuel. MB
Nos revendications
1. Nous voulons valoriser les salaires des fonctions et métiers féminins par une hausse de toutes les classes occupées majoritairement par des femmes.
2. Nous voulons la réintégration du personnel de nettoyage, composé en majorité de femmes, souvent migrantes, au sein du personnel de l’Etat et des institutions subventionnées.
3. Nous voulons réduire le temps de travail afin de sortir du piège du temps partiel et de partager le travail non rémunéré.
4. Nous refusons la flexibilité au profit de l’employeur et revendiquons des horaires de travail compatibles avec nos vies familiales et privées.
5. Nous voulons la reconnaissance du temps de travail domestique dans les assurances sociales.
6. Nous voulons que les collectivités publiques donnent l’exemple en adoptant un congé maternité de six mois, un congé paternité de deux mois et un congé parental payés, y compris pour les parents de même sexe et/ou adoptifs.
7. Nous exigeons l’aménagement tant de l’espace que des horaires de travail pour les femmes enceintes et qui allaitent, ainsi que le remplacement systématique de toutes les femmes en congé maternité.
8. Nous refusons toute hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et nous revendiquons la retraite à 60 ans dans le secteur de la santé, ainsi que des horaires aménagés pour les personnes de plus de 55 ans.
9. Nous demandons l’introduction du langage épicène, la mise en place de campagnes de sensibilisation au respect des femmes et des personnes LGBTIQ, tant sur les lieux de travail qu’à l’école, ainsi que la prévention et la tolérance zéro en matière de sexisme et de harcèlement sexuel.
10. Nous voulons des habits de travail adaptés aux femmes dans les métiers masculins, des douches et vestiaires séparés, des mesures pour assurer la sécurité du personnel féminin sur certains lieux de travail sensibles ainsi que sur le trajet, notamment pour les travailleuses de nuit.
Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP