Les femmes priées de passer à la caisse

Le conseiller fédéral Alain Berset a transmis au Parlement son projet de révision du 1er pilier de l’assurance vieillesse, AVS 21. Les débats devraient commencer cet automne.

photo Valdemar Verissimo

Il en avait annoncé les grandes lignes peu avant les vacances, il en a dévoilé les détails à la rentrée. Le 28 août, Alain Berset a publié son message relatif à la stabilisation de l’AVS (AVS 21), désormais entre les mains des parlementaires.

65 ans dès 2026
La mesure phare du projet de loi est l’élévation de l’âge de la retraite des femmes, de 64 à 65 ans. Ce relèvement se ferait en trois étapes. La première débuterait une année après l’entrée en vigueur de la réforme, soit en 2023. Ce serait donc dès 2026 que les femmes quitteraient le marché du travail à 65 ans.

Cette modification permettrait, selon les calculs du Conseil fédéral, d’économiser un peu plus de 10 milliards de francs sur le dos des femmes entre 2023 et 2031(1) . Les salariées sont donc priées de passer à la caisse, comme l’a reconnu M. Berset dans la presse (2).

Augmentation de la TVA
Le deuxième élément clé du projet AVS 21 est l’augmentation de la TVA. Le taux normal de TVA passerait de 7,7% à 8,4% - le taux spécial pour l’hébergement de 3,7% à 4%, le taux réduit de 2,5% à 2,7%. Les recettes résultant de ce relèvement seraient intégralement destinées au Fonds de compensation de l’AVS. Entre 2022 et 2030, cela représenterait un montant de près 21 milliards de francs.

Flexibilisation
Dans son message, le Conseil fédéral remplace le terme « âge de la retraite » par celui d’« âge de référence ». Cette modification se combine avec une « flexibilisation » de la perception de la rente, entre 62 et 70 ans. Les salarié-e-s travaillant au-delà de 65 ans pourront ainsi enregistrer une augmentation du montant de leur rente AVS.

En parallèle, les taux de réduction de la rente par année d’anticipation sont adaptés au vieillissement démographique, et donc légèrement réduits. En cas d’ajournement de la rente, les taux de majoration sont aussi revus légèrement à la baisse.

Pour faire passer la pilule
La hausse de l’âge de la retraite des femmes est fortement contestée par le mouvement des femmes comme les syndicats. Pour faire passer la pilule, Alain Berset prévoit donc des « mesures de compensation », s’appliquant uniquement aux femmes nées entre 1959 et 1967. La première consiste en un taux de réduction de la rente plus favorable pour les femmes de cette « génération transitoire » partant à la retraite avant le nouvel âge limite (65 ans). Concrètement, leur rente AVS serait réduite, mais dans une moindre mesure qu’aujourd’hui.

Deuxième mécanisme prévu par le Conseil fédéral, toujours limité à la « génération transitoire »: une augmentation de la rente de vieillesse des femmes dont le revenu se situe entre 14 221 francs et 85 319 francs – en moyenne, de 76 francs mensuels.

En tout, ces deux mesures coûteraient près de 3,250 milliards entre 2023 à 2031. Cela équivaut environ au 30% de la somme économisée grâce à l’élévation de l’âge de la retraite des femmes.

Travailler plus tard
Comme le souligne le Conseil fédéral, « la flexibilisation de la perception de la rente, l’harmonisation de l’âge de la retraite ainsi que des incitations ciblées concourent à réaliser un même objectif: maintenir l’exercice d’une activité lucrative jusqu’à 65 ans et au-delà ». Il ne s’agit cependant que d’une étape: « Il faudra lancer, au milieu de la prochaine décennie, une nouvelle réforme qui produise des effets au-delà de l’horizon temporel d’AVS 21, soit après 2030 », annonce le message. Le relèvement de l’âge de la retraite des femmes en annonce d’autres.

Le timing
Le Parlement devrait commencer à débattre du projet dès cet automne, et le Conseil fédéral prévoit une entrée en vigueur de la révision au 1er janvier 2022. La révision de la loi sera soumise au référendum facultatif; quant à la hausse de la TVA, qui serait inscrite dans la Constitution par le biais d’un arrêté fédéral, elle sera soumise au référendum obligatoire. Il y aura donc au minimum une votation populaire sur ce dernier point.

L’âge de la retraite au cœur du débat
Annoncée peu après la plus grande grève féministe de l’histoire suisse, l’élévation de l’âge de la retraite des femmes est fermement rejetée par les Coordinations romande et nationale de la grève des femmes. Celles-ci ont d’ailleurs diffusé sur youtube une première riposte, en images, au conseiller fédéral Alain Berset: https://youtu.be/rRHlQ1T2bIw

Pour l’Union syndicale suisse, le message du Conseil fédéral sur la réforme AVS 21 « n’est pas convaincant ». L’USS rejette clairement le relèvement de l’âge de la retraite des femmes, rappelant les multiples discriminations vécues par les salariées sur le marché du travail, puis à la retraite – elles touchent notamment des rentes du 2e pilier deux fois plus basses que les hommes. La faîtière syndicale souligne aussi la nécessité d’augmenter le montant des rentes AVS – dans cet objectif, elle s’apprête à lancer une initiative populaire pour une 13e rente AVS.

Du côté de l’Union patronale suisse, on est bien sûr favorable à l’élévation de l’âge de la retraite des femmes. En revanche, les employeurs s’opposent à une augmentation de 0,7% de la TVA – ils militent pour une hausse réduite à 0,3 %. Ils jugent aussi que les compensations pour les femmes de la génération transitoire trop élevées, et veulent renforcer les mécanismes incitant à travailler plus longtemps.

Côté politique, la position du Parti libéral radical épouse de près celle de l’UPS. À droite, l’ensemble des partis sont favorables à l’élévation de l’âge de la retraite des femmes, UDC inclue.

En revanche, le Parti socialiste dénonce l’élévation de l’âge de la retraite des femmes.


(1) Les chiffres cités sont tirés du message publié par le Conseil fédéral.
(2) NZZ am Sonntag, 1er septembre 2019.