Décembre 2017
Le Congrès des femmes de l’USS sera aussi l’occasion pour les femmes syndicalistes de revenir sur des thèmes comme les retraites, l’égalité des salaires ou la lutte contre le sexisme et le harcèlement. Mais l’opportunité aussi de réfléchir à des questions de fond comme la valeur du temps. Et de formuler des revendications et des plans d’actions pour l’avenir, sur lesquels nous reviendrons après le congrès.
9,2 milliards d’heures non payées. Lorsqu’on parle de temps de travail, on entend généralement le temps de travail effectué en échange d’un revenu. Or les femmes consacrent en moyenne seulement un tiers de leur temps à ce type de travail: en Suisse, 60 % des femmes, mais 80% des mères de jeunes enfants, travaillent à temps partiel.
L’Office fédéral de la statistique (OFS) vient de publier le résultat du compte satellite de la production des ménages pour l’année 2016: au total 9,2 milliards d’heures de travail non rémunérées ont été accomplies, pour une valeur monétaire de 408 milliards de francs. En comparaison, les heures de travail rémunérées n’ont été que 7,9 milliards [1] ! Près des deux tiers de ce travail est assuré par les femmes. Or ce travail gratuit fragilise les femmes, notamment lors d’un divorce, quand survient une maladie ou le chômage, ainsi qu’à l’heure de la retraite. Pour rompre avec ce mécanisme, il faut reconnaître enfin la valeur de ce labeur. En particulier en mettant en place davantage de congés payés pour les parents et les proches aidants, en introduisant un bonus, selon le modèle de l’AVS, dans toutes les assurances sociales et le 2e pilier, mais aussi en baissant le temps de travail.
Valoriser le care. Lors du congrès, la question du travail de soins et d’assistance, ainsi que celle de son organisation au sein de la société, sera exposée par la sociologue Sarah Schilliger. Invisible et peu valorisé lorsqu’il est assuré au sein des familles, sous-développé et lacunaire lorsqu’il est effectué par un service public, soumis aux pressions constantes des politiques d’austérité, le travail de soins et d’assistance, notamment aux personnes âgées, est de plus en plus souvent sous-traité à des femmes immigrées dont le statut est précaire, les conditions de travail mauvaises et les salaires bas. Cette situation est inadmissible. La moindre des choses serait que la Loi sur le travail s’applique à l’économie domestique !
Six heures par jour. En Suède, plusieurs entreprises et services publics sont passés à la journée de six heures. Les employé-e-s ont vite constaté une amélioration de leur qualité de vie et de leur santé. Les employeurs ont observé une hausse de la productivité et une baisse des absences. Alors qu’en Suisse, la droite envisage de flexibiliser et d’allonger encore le temps de travail, la mise en application de la journée de six heures montre que la réduction du temps de travail sans réduction de salaire est possible ! Elinor Odeberg, chercheuse au syndicat suédois Kommunal, sera à Berne pour permettre aux déléguées de mieux connaître et débattre de l’expérience suédoise.
Plus de temps pour vivre. Réduire le temps de travail permettrait de partager davantage et autrement les tâches domestiques, l’éducation des enfants ou la prise en charge des personnes malades et/ou âgées. Mais aussi d’avoir du temps pour la collectivité, pour les loisirs et pour soi, avec des effets bénéfiques sur la santé. A l’ère de la digitalisation, qui sera également à l’ordre du jour de ce 13e congrès, réduire la durée du travail rémunéré est aussi une manière de partager les gains de productivité, sans augmenter le chômage et en améliorant la qualité de vie.
Les femmes de l’USS ont l’intention de remettre sur la table la réduction du temps de travail à 30-35 heures par semaine, sans baisse du salaire. Une revendication à contrecourant, mais indispensable pour aller de l’avant !
[1] OFS, communiqué de presse, 11.12.2017