Nos arguments contre AVS 21

La campagne sur AVS 21 entre dans sa dernière ligne droite. Le moment ou jamais de nous mobiliser contre une réforme qui pénalise les travailleuses et ouvre la porte à la retraite à 67 ans pour toutes et tous.

photo Eric Roset

Travailler jusqu’au tombeau ? C’est non !

Jamais un tel écart d’opinion entre les femmes et les hommes n’avait été enregistré sur un objet en votation, même pas sur le congé maternité. Car si les femmes ne sont que 36% à approuver AVS 21, 71% d’hommes y sont favorables, voire plutôt favorables. Une partie d’entre eux sont nos compagnons, frères, pères, fils ou cousins, voire des collègues avec qui nous partageons la pause. Un peu moins nombreux en Suisse romande, où le non l’emporterait à 56% des voix, ils sont néanmoins trop à bouder l’avis des femmes et des syndicats. À nous, femmes et hommes du SSP, de convaincre les réticents, mais aussi celles et ceux qui hésitent à voter sous prétexte que « ça ne change rien ». Dans cet objectif, nous réfutons ci-dessous les principaux arguments visant à justifier AVS 21. Nous vous invitons aussi à commander le matériel et nous suivre sur les réseaux sociaux pour intensifier une campagne de proximité, indispensable pour gagner le 25 septembre [1].

Les finances de l’AVS
C’est le principal argument utilisé pour nous faire avaler une réforme antisociale qui obligerait les femmes à travailler une année de plus, tout en ouvrant la voie à l’augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans, voire au-delà. Selon le Conseil fédéral, les rentes AVS ne seraient plus garanties en cas de refus d’AVS 21. On a déjà entendu cet argument lors des précédentes tentatives d’augmenter l’âge de la retraite des femmes: en 2004, à l’occasion de la 11e révision de l’AVS; puis en 2017, quand Alain Berset a voulu nous imposer Prévoyance vieillesse 2020. Cela fait des années que le Conseil fédéral peint le diable sur la muraille et prédit la faillite de l’AVS. Nous pouvons donc comparer ses prévisions catastrophistes avec la réalité, et constater qu’un fossé les sépare. Ainsi, lorsqu’on compare les comptes 2020 avec les prévisions faites par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en 2011, on constate que, alors que l’OFAS prévoyait un déficit du compte de répartition de 1,5 milliards de francs en 2020, celui-ci a enregistré un surplus de 576 millions. Une erreur à 2,1 milliards! Concernant la fortune de l’AVS en 2020, les prévisions de l’OFAS présentaient une sous-estimation de 15,4 milliards. Et aujourd’hui, la fortune de l’AVS n’a jamais été aussi élevée: 49,7 milliards en 2021, soit 106% des dépenses d’une année.

On est très loin de la catastrophe annoncée – et très proche du mensonge puisque, pour se tromper pareillement, il n’y a que deux possibilités: soit le personnel de l’OFAS est très incompétent, soit ses prévisions sont politiques et servent à justifier une réforme qui va à l’encontre des intérêts de la majorité de la population.

L’espérance de vie
La droite ne cesse de le répéter: en 1948, l’espérance de vie était bien plus courte et les retraité-e-s touchaient l’AVS moins longtemps qu’aujourd’hui. À cette époque, beaucoup bossaient jusqu’au tombeau, ou ne survivaient que peu de temps après leur retraite. Voilà le modèle vanté par la droite, le patronat et le Conseil fédéral: un grand bond en arrière afin que la majorité des travailleuses et travailleurs ne profitent que brièvement de leur retraite. Pour justifier qu’il faut travailler plus longtemps, ils nous serinent que nous sommes passés de 6,3 personnes actives pour une personne retraitée en 1948, à 3,2 en 2019, voire 2,4 en 2035… Or ce raisonnement ne tient pas la route. D’abord, parce que le calcul pour 1948 prend en compte toute la population adulte, y compris les femmes qui, malgré leur travail à la ferme ou dans l’entreprise du mari, ne touchaient pas de salaire et ne cotisaient donc pas à l’AVS. Ensuite, parce que le montant des cotisations à l’AVS dépend de la masse salariale, sans aucun plafonnement. Or la masse salariale a augmenté fortement depuis 1948, notamment en raison de l’augmentation de la productivité. De plus, l’espérance de vie stagne. Elle a même reculé pour la première fois en 2020, en raison du Covid-19. Cette évolution est malheureuse, d’autant que nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles pandémies, auxquelles s’ajoutent les canicules qui sont aussi à l’origine d’une surmortalité parmi les personnes âgées. Rappelons en outre que tout le monde n’est pas égal face à la mort – et que, d’une manière générale, les personnes ayant un niveau de formation bas, des métiers pénibles et des salaires modestes vivent moins longtemps que les autres, alors qu’elles ne peuvent pas s’offrir de retraite anticipée.

L’égalité
L’argument de l’égalité revient souvent dans le débat: « Les femmes ont voulu l’égalité ? Qu’elles travaillent comme les hommes et qu’elles fassent l’armée ! » Or si l’égalité est inscrite dans la Constitution fédérale et dans une loi sur l’égalité au travail, elle est encore loin d’être une réalité pour la grande majorité des femmes ! Quelques bourgeoises servent de faire valoir aux partisans d’AVS 21, pour nous faire croire que l’égalité ne serait qu’une question de volonté personnelle. Mais cet écran de fumée cache la réalité des milliers de femmes qui s’occupent du travail domestique, éducatif et de soins – un travail peu valorisé et peu rémunéré qui ne leur permettra pas, le jour venu, de prendre une retraite anticipée. L’égalité reste donc à construire ! Et prétendre instaurer l’égalité en imposant les 65 ans aux femmes, c’est comme vouloir construire une maison en commençant par le toit: cela ne fonctionne pas.

Concrètement, AVS 21 va péjorer les conditions de vie de très nombreuses femmes qui seront forcées à travailler une année de plus au prix de leur santé, ou qui devront pointer une année de plus au chômage pour arriver en fin de droit, puis à l’aide sociale.

Enfin, notre projet pour une société fondée sur l’égalité de genre a pour objectif de favoriser le progrès social pour tout le monde. Le modèle masculin peut et doit être remis en cause, discuté et modifié pour aboutir à une société qui nous exploite moins toutes et tous – et pas qui nous impose de travailler toujours davantage au profit de quelques riches qui nous dansent sur le ventre.

Riches contre pauvres !
AVS 21 est le combat des classes privilégiées, qui n’ont pas besoin de l’AVS, contre les classes populaires pour lesquelles l’AVS est le principal revenu à la retraite.

Augmenter l’âge de la retraite est en effet une manière d’imposer une baisse des rentes aux salarié-e-s. Et nous savons qu’il ne s’agit que d’une étape: le projet LPP 21, qui vise à baisser les rentes versées par le 2e pilier, est en discussion au parlement, tandis qu’une nouvelle réforme de l’AVS est déjà dans le viseur de la droite.

Ce qui est bon pour le peuple ne l’est pas toujours pour soi-même. Claudine Amstein, directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, a ainsi affirmé qu’« ajuster l'âge de la retraite des femmes pour qu'il soit égal à celui des hommes n'est pas un sacrifice demandé aux femmes, c'est une adaptation nécessaire ». Or lorsqu’elle a atteint l’âge de 62 ans, Mme Amstein a annoncé qu’elle passait le relai pour « pour goûter à une préretraite active, mais plus sereine » [2].

Une autre personnalité romande a pris position récemment en faveur d’une hausse de l’âge de la retraite à 67, voire 69 ans – ainsi qu’en faveur d’une baisse du taux de conversion et d’une hausse des cotisations dans le 2e pilier. Il s’agit de Thomas Boyer, le CEO du Groupe Mutuel. Lorsqu’il a succédé à M. Rabaglia à la tête de cette société d’assurance, M. Boyer a obtenu une augmentation salariale de 60% - soit 766 955 francs par an, ou 60 000 francs par mois [3]. Avec un tel revenu, M. Boyer gagne en un mois ce qu’une majorité des salariées touchent en une année. Pas besoin d’être devin pour prévoir que la rente de retraite de M. Boyer aura meilleure allure que celle touchée par la majorité des travailleuses, mais aussi des travailleurs de ce pays !

En 2020, la rente LPP médiane d’une femme prenant sa retraite à 64 ans était de 1000 francs par mois, celle d’un homme de 1800 francs. Pour toucher un montant équivalent au salaire annuel de M. Boyer, une retraitée lambda devrait ainsi vivre jusqu’à 128 ans, et un retraité jusqu’à 100 ans. Vous avez dit « égalité » ? MB


[1] Toutes les infos et actus sur notre page spéciale
[2] Blog du Temps, 1er septembre 2015; Le Temps, 8 mai 2022.
[3] Le Nouvelliste, 23 mai 2021.