Bombe à retardement nucléaire
12'121 têtes nucléaires sont en circulation, écrit le Sipri. La grande majorité d’entre elles appartient aux États-Unis (5400) et à la Russie (5580); 3900 d’entre elles, soit près d’un quart, sont installées sur des missiles intercontinentaux et des bombardiers stratosphériques; 2100 sur des missiles intercontinentaux qui sont en état d’alerte maximale et permanente. Cela signifie qu’ils sont prêts à intervenir à toute heure du jour et de la nuit.
Genève abrite une organisation importante: ICAN, Campagne internationale pour l’abolition de l’arme nucléaire. ICAN a reçu le prix Nobel de la paix en 2017. ICAN calcule l’investissement financier mis dans la folie nucléaire.
Les neuf États qui possèdent des armes nucléaires ont investi ensemble 91,4 milliards de dollars. Le budget de loin le plus important est celui des États-Unis avec 51,5 milliards de dollars. La Chine vient en deuxième position avec 11,8 milliards, puis la Russie avec 8,3 milliards.
Après de laborieuses négociations qui ont duré des années, la diplomatie internationale a négocié un traité qui oblige les États à renoncer aux armes nucléaires. En 2021, le traité est entré en vigueur. Jusqu’à présent, 93 États l’ont signé. Le traité est un acquis de notre civilisation. La Suisse a joué un rôle important dans les négociations.
Une absurdité totale
Pourtant, le Conseil fédéral refuse de signer le traité. «C’est totalement absurde et irresponsable», déclare l’historien Josef Lang, maître à penser du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA). Il a raison. Le GSsA, qui fait partie d’une alliance pour l’interdiction des armes nucléaires, a maintenant lancé une initiative pour l’adhésion de la Suisse au TPNW (Traité sur l’interdiction des armes nucléaires). Les mois à venir promettent des débats houleux en Suisse. La position du Conseil fédéral est inacceptable. Il dit qu’il ne peut pas signer le traité mondial sur les armes nucléaires parce qu’il accorde la plus haute priorité à la souveraineté de la Suisse. Balivernes!
Il ne s’agit pas de la souveraineté d’un seul État, mais de la survie de l’humanité. Chaque État qui signe l’accord de renonciation augmente la pression sur les puissances nucléaires et rapproche l’humanité d’un renoncement total aux armes nucléaires. L’initiative veut forcer le Conseil fédéral à signer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Elle requiert notre mobilisation et notre solidarité énergiques et inconditionnelles.
Sociologue, ancien rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, Jean Ziegler est aussi auteur de nombreux livres, entre autres: Le capitalisme expliqué à ma petite-fille (en espérant qu'elle en verra la fin), Seuil, 2018, et Lesbos, la honte de l’Europe, Seuil, 2020.
Paru dans Services Publics n° 10, 6 septembre 2024. Retrouvez les autres billets de Jean Ziegler sur www.ssp-vpod.ch/la-suisse-existe.