Pour le droit à un logement abordable!

En quinze ans, les loyers ont explosé. La rente foncière est un élément essentiel du processus de valorisation du capital financier: 46% des actifs financiers mondiaux sont placés dans l’immobilier. À Zurich et à Genève, plus de la moitié des logements appartiennent à des assurances, des banques et des fonds immobiliers. Face aux risques boursiers et aux faibles rendements des marchés obligataires, ces institutions ont investi massivement dans la pierre.

Les milieux immobiliers ont ensuite engagé une offensive politique pour maintenir et augmenter cette rente. Ces attaques vont de pair avec celles visant à rétablir le taux de profit des actionnaires (motion Ettlin, casse des retraites, légalisation du modèle Uber). Les travailleur-euse-s casquent dans toutes leurs dimensions: en tant que locataires, assuré-e-s, salarié-e-s.

Concernant le logement, cette offensive a commencé par la suppression des lois cantonales de protection des locataires – une offensive qui a été couronnée de succès partout, sauf à Genève. Dans le canton de Vaud et à Bâle-Ville, ces protections ont heureusement été rétablies depuis.

L’offensive des milieux immobiliers a continué avec une série de jurisprudences du Tribunal fédéral, culminant avec celle qui a quadruplé le rendement admissible au-delà du taux d’intérêt de référence. Elle s’est poursuivie avec quatre textes parlementaires fédéraux visant à faciliter les résiliations de bail et affaiblir considérablement la protection contre les loyers abusifs.

Les bailleurs ne se contentent pas d’empocher 10 milliards de francs de loyers abusifs par an à cause de la non-répercussion des baisses passées du taux d’intérêt de référence et du trop faible nombre de contestations de loyers initiaux. Ils veulent aussi démanteler la protection contre les congés et les loyers abusifs. L’objectif est clair: faciliter les congés pour ensuite relouer au prix hyperabusif du marché, sans risque de contestation.

Le Parlement fédéral vient de voter les deux premiers textes visant à permettre aux bailleurs de résilier plus facilement les baux. L’Association suisse des locataires (Asloca) a d’ores et déjà annoncé le référendum.

Se défendre n’est pas suffisant. L’Asloca va lancer une initiative populaire pour garantir le respect de la loi, empêcher les hausses de loyers abusives et faire baisser les loyers aujourd’hui trop élevés. Afin de répondre à l’urgence sociale, l’initiative prévoit trois mesures principales:

  • renforcer le principe du loyer fixé sur les coûts et le rendement des fonds investis par le bailleur, à l’exclusion du marché qui aujourd’hui n’est que le reflet de la pénurie et exclut de nombreux-euses habitant-e-s;
  • mettre fin au système actuel de surveillance des loyers, qui permet dans les faits au propriétaire d’imposer le loyer de son choix, sauf si la ou le locataire se lance dans un procès – pour cela, il faut mettre en place un système de contrôle des loyers, automatique et gratuit, qui n’exige pas l’intervention du locataire;
  • faire baisser les loyers abusifs par un système de révision, en s’inspirant du contrôle existant pour la TVA.

Un logement abordable doit devenir un droit, au même titre qu’obtenir un travail stable et sans harcèlement et avoir accès à des soins en payant des primes abordables.

Christian Dandrès, avocat


Paru dans Services Publics n° 15, 29 septembre 2023. Retrouvez les autres billets de Christian Dandrès sur www.ssp-vpod.ch/direct-du-droit.

Plus d'infos sur le double référendum: https://www.attaque-locataires-non.ch/