«Prof, mon métier n’est pas neutre: (auto-)censure, devoir de réserve et éducation». C’est avec ce titre que le SSP organise à Genève, le 2 novembre, une formation suivie d’une discussion.
La liberté d’expression est un droit fondamental qui s’arrête le plus souvent à la porte des entreprises, le service public n’y faisant pas exception. Le devoir de réserve est fréquemment invoqué dans les services et les établissements publics pour interdire aux salarié-e-s de critiquer les choix de l’institution. Il est d’autant plus oppressif à mesure que le cadre de travail met en porte à faux les salarié-e-s avec leur éthique professionnelle et ce qui motive leur engagement dans un métier. À titre d’exemple, la direction de la RTS avait ainsi demandé à ses salarié-e-s de ne pas manifester d’opinions ni de sympathies sur des thématiques politiques, notamment sur les réseaux sociaux – et cela, même à titre privé.
Pour le métier d’enseignant-e, liberté d’expression et devoir de réserve posent en plus la question du rôle de l’éducation dans une société démocratique. L’émancipation des élèves se trouve au cœur de ce travail. Elle se traduit concrètement par l’objectif de permettre aux élèves de comprendre les phénomènes sociaux et d’acquérir une pensée critique.
À Genève, la Loi sur l’instruction publique (LIP) définit ainsi l’objectif de l’école publique ayant trait à la dimension citoyenne: «préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l’indépendance de jugement».
L’école n’est pas détachée du monde extérieur. Au contraire, elle est au cœur de la société. Elle est soumise à des décisions politiques. Les élèves sont confronté-e-s aux rapports de force qui traversent cette institution. Elles et ils participent à la vie sociale et peuvent prendre une part active aux mobilisations et aux mouvements sociaux. Il en va de même des enseignant-e-s.
Qu’implique le devoir de réserve dans un tel contexte?
Pour éviter tout risque de confrontation avec d’autres enseignant-e-s, des parents ou des élèves, des directions d’établissements mettent en avant une sorte de devoir de neutralité. Ce choix est déjà un parti pris, le plus souvent conservateur. Des enseignant-e-s vont, quant à elles et eux, faire preuve d’autocensure, sur des thématiques qui justifieraient au contraire d’être traitées à fond pour acquérir un esprit critique.
Le groupe Enseignement du SSP Genève souhaite aborder ces questions en deux temps. Une première partie de la formation organisée le 2 novembre vise à poser des constats sur la manière dont l’employeur mobilise le devoir de réserve et la neutralité, à des fins managériales, puis à élaborer des réponses syndicales pour les combattre. Une deuxième partie, organisée sous forme de discussion, a pour but de réunir des personnalités engagées dans des mobilisations qui ont marqué l’école, comme les luttes féministes et celles du climat. Objectif: partager leurs expériences et pistes de solutions.
Le tout devra poser les bases d’une action de terrain destinée à faire vivre le débat et la liberté d’expression au sein de l’école.
Paru dans Services Publics n° 17, 27 octobre 2023. Retrouvez les autres billets de Christian Dandrès sur www.ssp-vpod.ch/direct-du-droit.