En Suisse, 25% de la population est issue de la migration et près d’un tiers des salarié-e-s n’a pas le droit de vote et est toujours considéré comme «étranger». Dans les semaines qui viennent, la question du statut de la main-d’œuvre immigrée reviendra sur le devant de la scène, d’abord avec les Bilatérales III, puis avec l’énième initiative de l’Union démocratique du centre (UDC), qui a abouti en avril de l’année passée et qui veut combattre une «Suisse à 10 millions». Pour faire dans l’air du temps, l’UDC mobilise l’argument de la durabilité, mais son initiative ne fait que relancer sa sempiternelle ritournelle contre la prétendue immigration de masse. Pour ce parti, les étrangers-ères sont la source de tous les problèmes, une longue liste qu’on trouve sur leur site «la pénurie de logements et l’augmentation des loyers, les embouteillages sur les routes, les trains et les bus bondés, la baisse du niveau des écoles, une violence et une criminalité en hausse, la pénurie d’électricité, un revenu par habitant qui stagne, des primes d’assurance-maladie toujours plus élevées, des services sociaux endettés et une pression accrue sur la beauté des paysages et la préservation de la nature» [1]. Rien que ça.
Passé et présent
C’est dire si le film La transformation merveilleuse de la classe ouvrière en étrangers [2] de Samir est d’actualité. Le film ne se contente pas de retracer l’histoire de l’immigration en Suisse, du milieu du XIXe siècle à nos jours, mais tire un fil rouge qui relie le passé au présent et montre comment ce processus de transformation de la classe ouvrière en «étranger» est toujours à l’œuvre. Si les Italien-ne-s ont vu leur statut évoluer et se trouvent aujourd’hui parmi les «étrangers-ères» cools, d’autres ont pris leur place au bas de l’échelle sociale. Et si le statut de saisonnier-ère a été aboli pour la plus grande satisfaction des syndicats, le pays a fabriqué d’autres statuts précaires jusqu’aux «sans-papiers». Car en Suisse, force est de constater que ce sont toujours les «étrangers-ères» qui occupent les emplois les plus précaires et mal rémunérés. Que toutes les étrangères qui travaillent dans la santé partent et nos hôpitaux et EMS seront à l’arrêt, que tous les étrangers qui travaillent sur les chantiers partent et on ne construira plus rien en Suisse, ni routes, ni logement et vive la pénurie!
Les syndicats ont mis du temps à transformer leur discours et à prôner l’unité de la classe ouvrière, qui est d’ailleurs un terme tombé en désuétude et auquel Samir donne une nouvelle lumière en l’utilisant comme titre de son film. Le réalisateur ne raconte pas seulement l’histoire des autres, mais il retrace aussi son propre parcours d’enfant arrivé en Suisse d’Irak et découvrant, d’une part, la neige qui l’émerveille et, d’autre part, la discrimination qu’il vit dès l’école. Le film contient de nombreux témoignages, surtout d’immigré-e-s provenant d’Italie, ainsi que des interviews, des images d’archives inédites et des animations créées par le réalisateur. Un film intense et riche qui introduira parfaitement la discussion qui suivra et à laquelle nous avons convié Myriam Schwab Ngamije, travailleuse sociale à la Fraternité /Centre social protestant (CSP-Vaud), service social pour les immigré-e-s. Nous vous invitons à venir nombreuses et nombreux pour visionner ensemble ce film documentaire, pour discuter et partager un verre.
Infos pratiques:
Samedi 8 février, à 17h: projection du film La transformation merveilleuse de la classe ouvrière en étrangers de Samir au Zinéma, rue du Maupas 4 à Lausanne. À 19h15: discussion avec Samir et Myriam Schwab Ngamije, travailleuse sociale au CSP. Dès 20 h: verre de l’amitié au Bar du Zinéma. Entrée libre.
[1] www.udc.ch
[2] Bande-annonce sur: https://www.dvfilm.ch/fr/movies/documentaries/die-wundersame-verwandlung-der-arbeiterklasse-in-auslaender