Tout est allé très vite. À peine deux semaines après que ledit «groupe d’expert-e-s» a déposé son rapport, le Conseil fédéral a présenté son programme d’austérité le 20 septembre dernier.
Soixante mesures d’économie
Le rapport des «expert-e-s» avait été présenté le 5 septembre et comportait des propositions d’économies à hauteur de 3,9 mil- liards de francs à l’horizon 2027 et de 4,9 milliards en 2030. Ces montants étaient supérieurs à ceux figurant dans le mandat du Conseil fédéral, puisque ce dernier souhaitait des pistes d’économies à hauteur de «seulement» 3 milliards en 2027 et 4 milliards en 2030.
Par rapport aux «expert-e-s», le gouvernement ne propose d’économiser «que» 3,6 milliards en 2027 et 4,6 milliards en 2030, ce qui est toujours au-delà de ses propres objectifs. Une marge de négociations a donc été prévue par le Conseil fédéral, selon une méthode éprouvée. Au-delà de ce théâtre d’ombres, il n’en reste pas moins qu’on parle d’économies à hauteur de 5% des dépenses, ce qui est colossal.
Tous azimuts, ou presque
À de rares détails près, le Conseil fédéral a repris les propositions des «expert-e-s» qu’il avait mandaté-e-s et qui lui ont préparé, comme l’écrit Le Courrier, une véritable «feuille de route néolibérale» [1] que le gouvernement entend bien suivre.
Les propositions contenues dans le programme du Conseil fédéral s’attaquent aux besoins sociaux à différents niveaux. Dans les assurances sociales, une baisse de la participation financière de la Confédération dans l’AVS est proposée (cela, alors que la population a très clairement manifesté son attachement à une AVS solide). La volonté est, là encore, de tout faire pour maintenir cette assurance sociale sous pression afin de faire accepter des détériorations à la population (mise sous pression qui redouble l’efficacité des «erreurs de calcul» de l’OFAS), comme l’augmentation de l’âge de la retraite. Des coupes sont également programmées dans les subventions destinées à la presse, au rail ou à la transition climatique. Le Conseil fédéral veut par ailleurs supprimer la subvention fédérale aux crèches et trouver 300 millions d’économies sur le dos de l’administration fédérale. Des attaques à la formation professionnelle, aux étudiant-e-s (augmentations des taxes d’étude), à la recherche ou encore à l’intégration des jeunes réfugié-e-s complètent ce programme de démantèlement. L’armée demeure, quant à elle, préservée de toute idée d’économie.
Applaudissements patronaux
Sans surprise, les grandes associations patronales, economiesuisse en tête, ont salué avec empressement la volonté d’austérité. La droite se réjouit de la teneur des débats à venir autour de la mise en œuvre des coupes qu’elle appelle de ses vœux, tout comme les «expert-e-s» et le Conseil fédéral. Elle pose cependant tout de suite ses limites à son soutien: le plus que timide volet de réflexion autour des recettes fis- cales est évacué comme relevant de l’hérésie.
Des recettes oubliées
La violence des attaques contenues dans ce rapport pourrait faire oublier que la situation est loin d’être dramatique dans la mesure où la Confédération, les cantons et les communes ont amassé des fonds propres excédant 100 milliards de francs [2].
Enfin, d’une manière générale, face à l’ampleur des défis sociaux et écologiques à relever, des moyens financiers sont nécessaires. Il s’agit de le répéter et de l’opposer au refrain dogmatique qui veut nous assurer que «le problème vient des dépenses et non des recettes». En effet, après avoir fait pleuvoir les milliards pour Credit Suisse, le Conseil fédéral poursuit sa politique de défense des privilégié-e-s en les épargnant de toute nouvelle contribution. Si le plan du Conseil fédéral prévoit de nouvelles recettes, d’une part, celles-ci ne ciblent pas les hauts revenus ou les détenteurs-trices de capitaux et, d’autre part, elles ne correspondent qu’à 7% des économies prévues. Pernicieux, le Conseil fédéral va jusqu’à tirer prétexte de l’augmentation de la TVA qu’il entend dicter pour financer la 13e rente (en l’opposant à une hausse des cotisations sociales, qui a un effet redistributif) pour justifier son refus d’imposer davantage celles et ceux qui en ont les moyens. La TVA est une taxe antisociale qui pèse plus lourd pour les bas revenus, tout le contraire de la fiscalité qui est nécessaire pour faire face aux défis actuels. L’ensemble de ce programme doit être renvoyé à son expéditeur.
1 Le Courrier, 11 septembre 2024.
2 Union syndicale suisse, communiqué de presse du 5 septembre 2024.
Article paru dans Services Publics n°11, 27 septembre 2024