Révisions LAMal : bilan en millions de déficit

de: Communiqué SSP

La dernière révision de la LAMal a été une catastrophe pour notre système de santé publique : mise en concurrence des hôpitaux, augmentation des primes et dégradation de la qualité des soins. Le lobby des caisses-maladie revient aujourd'hui à la charge avec une nouvelle réforme. Votons NON à EFAS le 24 novembre !

Eric Roset

Le 21 décembre 2007, une importante révision de la LAMal était votée au Parlement ; elle portait sur le financement des hôpitaux. Les promoteurs de la révision promettaient : des hôpitaux plus efficaces, des prestations plus efficaces, un frein à l’augmentation des coûts et même des processus de traitement optimisés pour les patient·e·s.

Depuis les hôpitaux sont désormais financés selon des forfaits par cas (une appendicite = un forfait) au lieu de tarifs journaliers. En même temps, c’est cette révision qui contraint les cantons à traiter les hôpitaux publics et les cliniques privées sur un pied d’égalité. La concurrence hospitalière introduite par cette révision devait permettre de contrôler les dépenses…

12 ans plus tard, les constats sont accablants.

Les hôpitaux publics et parapublics alignent des déficits :

  • HFR - hôpital de Fribourg : la Direction annonce 15 millions de francs d’économies pour 2025, et 60 millions d’ici 2028, alors que l’activité de HFR augmente.
  • RHNE - hôpital de Neuchâtel : 14 millions de déficit au budget 2024. Selon la direction de RHNE « Ce quatrième déficit budgétaire consécutif est la conséquence d’un sous-financement chronique, avec des tarifs qui ne couvrent pas les coûts, malgré une activité extrêmement soutenue. ».
  • HVS - hôpitaux valaisans : déficit de 11,3 millions en 2023, toujours la même rengaine : les tarifs ne couvrent pas l’activité, qui elle augmente.
  • HUG – Hôpitaux universitaire de Genève : déficit de 22,7 millions de francs, l’Etat intervient pour renflouer.
  • CHUV – Hôpital universitaire du canton de Vaud : déficit de 24,8 millions de francs, l’Etat intervient pour renflouer.
  • KSSG – Hôpital cantonal de St-Gall : licenciement de 117 collaborateurs et des économies de 16,1 millions de francs au budget, l'hôpital cantonal de Saint-Gall a enregistré, malgré ces mesures, un déficit de 25,5 millions de francs en 2023. Les autres structures hospitalières saint-galloises prévoient une perte de 13,1 millions pour 2024.
  • KSA – Hôpital cantonal d’Argovie : bilan équilibré pour l'exercice 2023, mais l'hôpital cantonal a dû être sauvé de la faillite au printemps 2023 grâce à un prêt d'urgence du canton.
  • Insel-Spital – Hôpital cantonal de Berne : Le groupe Insel a subi un déficit de 112,7 millions en 2023 et s'attend à un déficit plus important pour 2024. Malgré deux fermetures d'hôpitaux, des économies supplémentaires de 110 millions et 120 licenciements prévus pour 2025.
  • UAFP : la gériatrie universitaire FELIX PLATTER à Bâle a enregistré une perte de 100 millions de francs en 2022.
  • UPD – les Services psychiatriques universitaires de Berne : ont enregistré un déficit de 21,9 millions en 2023. A la mi-novembre, l'UPD obtient un prêt de 25 millions du canton, sans lequel les salaires du personnel n'auraient pas été payés.
  • USB - L'hôpital universitaire de Bâle a enregistré une perte d'environ 50 millions de francs en 2023.
  • KSBL - l'hôpital cantonal de Bâle-Campagne : accuse un déficit de 24,8 millions dans ses comptes annuels 2023. Dans le plus grand silence et sans consultation des syndicats, 70 postes à temps plein ont été supprimés. On craint de nouvelles suppressions d’emplois à grande échelle dans les années à venir, alors qu’un emploi sur dix a déjà été supprimé depuis 2012.

Déficits et licenciements sont désormais au programme du secteur hospitalier public et subventionné. Environ 77% des frais de fonctionnement hospitaliers sont des frais de personnel. En conséquence, les économies se font sur le dos du personnel. Comment ? Non-remplacement des absences (maladies, accidents, congés maternité), des départs à la retraite, refus d’indexation des salaires, gel des dotations, etc. Une pression maximale sur le personnel qui reste et qui finit par craquer ou quitter la profession.

Et les primes d’assurance-maladie depuis cette réforme ? Les primes ont augmenté, en moyenne, de plus de 26 % pendant la même période[1] !

Ainsi, les promesses de 2007 sont toutes passées à la trappe, malgré une forte augmentation des primes. Les directions hospitalières sont obnubilées par les économies et les cantons se cachent derrière la responsabilité des directions hospitalières… La faîtière hospitalière, H+, elle, valide toutes les réformes, car elle représente aussi les cliniques à but lucratif.

Bilan : la concurrence imposée par la réforme de 2007 a augmenté nos primes et démantelé l’hôpital public.

Le 23 décembre 2023, le Parlement a adopté une nouvelle réforme de la LAMal, EFAS (financement uniforme prestations). La faîtière des hôpitaux, H+, soutient à nouveau cette réforme, tout comme la majorité des cantons, avec les mêmes arguments qu’en 2007 : EFAS va simplifier le système par un financement uniforme. La question que devraient se poser les directions hospitalières du secteur public : est-ce que EFAS permettra d’augmenter les tarifs hospitaliers et/ou le financement cantonal et permettra ainsi aux hôpitaux publics de remplir leur mission ? Réponse dans le texte de la loi.

NON : EFAS ne modifie pas les tarifs ni pour les soins stationnaires, ni pour les opérations en ambulatoire. EFAS poursuit le même objectif que la réforme de 2007 : privatiser davantage le secteur de la santé. Il est grand temps que les directions hospitalières prennent leurs responsabilités et interviennent enfin pour garantir des conditions de travail respectueuses des personnels et des soins de qualité, au lieu de soutenir les réformes qui coulent le service public.


[1] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiken/preise/krankenversicherungspraemien.assetdetail.29645209.html