Ces négociations ouvrent par ailleurs un moment politique pour tenter d’obtenir une avancée sur une revendication centrale: garantir l’effectivité de la liberté syndicale.
Les salaires baissent malgré la pénurie de main-d’œuvre. Cela montre que les salarié-e-s sont dans l’impossibilité de tirer profit d’une situation qui devrait pourtant leur être favorable. Plusieurs facteurs l’expliquent, principalement la mise en concurrence des salarié-e-s selon leurs statuts migratoires ou professionnels, dans une logique de moins- disant. Dans chaque service, il y a toujours moins bien loti-e que soi et donc le risque de perdre son statut au profit de cette concurrence mise en place par les employeurs.
Cette dynamique est au cœur de la logique économique et ne se limite pas à la Suisse. Ce qui est propre à ce pays en revanche, c’est que le droit du travail ne connaît quasiment aucun mécanisme de protection qui existe dans d’autres pays voisins.
L’USS et le SSP ont entrepris des démarches pour que soit garantie la liberté syndicale. La Suisse a en effet signé et ratifié des conventions internationales dans le cadre de l’Organisation internationale du travail (no 82 et 98). Le contrôle de l’application de ces normes pour les États membres se fait par le biais de plaintes auprès du Comité de la liberté syndicale de l’OIT.
Le 14 mai 2003, l’USS a déposé une plainte (cas 2265). Le Comité a rendu un rapport (rapport 343) ainsi que des recommandations demandant à la Suisse de prévoir pour les victimes de licenciements antisyndicaux le même type de protection que celle prévue dans la LEg (Loi sur l’égalité), y compris la possibilité d’une réintégration.
Le 10 avril 2013 (cas 3023), notre syndicat a déposé une plainte auprès du Comité à la suite du licenciement des grévistes de l’Hôpital de la Providence. Elle est toujours en cours d’instruction. Le droit de grève étant au cœur de la liberté syndicale, les deux cas sont liés.
À la suite de ces démarches, la Suisse devait être placée dans la liste des pays ne respectant pas la liberté syndicale, aux côtés notamment du Bélarus et de la Grèce. La liste devait être validée en 2019, à Genève, à l’occasion de la Conférence du centenaire de l’organisation que la Suisse devait présider. Pour éviter ce scandale, le Conseil fédéral
a sollicité l’USS et les syndicats patronaux pour une médiation. Celle-ci a débuté le 13 janvier 2020 sous les auspices de Franz Steinegger, ancien président du Parti radical-démocratique. En raison du Covid-19, la médiation a été prolongée au 30 juin 2022 puis jusqu’au 18 décembre 2023, date à laquelle le Conseil fédéral a annoncé la suspension de la médiation à la demande unilatérale des associations patronales. La médiation n’a toujours pas repris.
Sans un rapport de force suffisant, la situation va encore durer et les salaires vont continuer à stagner ou diminuer. Car comment conclure, maintenir et faire respecter une bonne convention collective de travail si l’employeur peut licencier celles et ceux qui s’engagent dans ces buts?
Relancer les démarches auprès de l’OIT et documenter à nouveau l’ampleur des licenciements antisyndicaux en Suisse est une tâche prioritaire, dans la perspective d’instaurer un rapport de force sur les négociations avec l’Union européenne. Ce levier est seul à même de peser sur la décision des employeurs et de leurs représentant-e-s politiques. C’est le point de départ pour une riposte sérieuse en faveur de la protection des salarié-e-s et de leurs conditions de vie.