Le Conseil fédéral propose, comme mesure phare relative aux conditions de travail pour le 2e volet, d’adopter une nouvelle loi fédérale - la Loi fédérale sur les conditions de travail adaptées aux exigences professionnelles dans le domaine des soins infirmiers (LCTSI). En l’état ce projet de loi pourrait conduire, à terme, à une dégradation des conditions de travail des personnels de secteur santé. La LCTSI est pourtant une loi nécessaire et attendue : le CF doit la remanier rapidement et radicalement pour que l’initiative pour des soins forts, plébiscitée par le peuple, ne se convertisse pas en piège.
Faux départ pour la LCTSI
Le Conseil fédéral part du postulat que les conditions de travail sont mauvaises car il n’existerait pas, ou peu, de réglementation dans le secteur santé en Suisse. Dans cette logique, les conditions pourraient être améliorées si des conventions collectives de travail (CCT) étaient négociées. Premièrement, des CCT existent déjà dans bon nombre de cantons. En parallèle, des règlements et lois cantonaux ou communaux – qui octroient une meilleure protection aux salarié·e·s que les CCT – règlent aussi les conditions de travail dans des hôpitaux, des EMS ou des organisations de soins à domicile. Ces réglementations, privées ou publiques, ne suffisent pourtant pas à empêcher les atteintes à la santé, les fuites et départs anticipés des employé·e·s du secteur santé. La LCTSI doit être modifiée et donner de réels moyens pour les améliorer.
Financement absent de la LCTSI
Le SSP constate, et regrette, l’absence complète de dispositions obligeant les cantons et la Confédération à financer la deuxième étape de l’initiative des soins. Il est clairement illusoire de penser que les conditions de travail des personnels de santé seront améliorées sans financement supplémentaire.
La LCTSI : un risque pour le secteur public
L’avant-projet de loi rate la cible principale : obliger tous les employeurs, publics et parapublics ou privés, à améliorer réellement et rapidement les conditions de travail des personnels de santé par des dispositions impératives : une meilleure compensation pour le travail de nuit de 50 % au lieu des 10 % actuels prévus dans la Loi sur le travail, une rémunération automatique des heures supplémentaires, le prolongement du congé maternité, etc.
La LCTSI pourrait même signifier, dans plusieurs cantons, l’exclusion des personnels de santé des lois cantonales et communales. En clair, le rapport du Conseil fédéral signale que l’obligation de négocier des CCT pourra s’appliquer aux employeurs de droit public ! Des CCT qui pourraient alors servir de levier pour extraire les personnels de santé de la fonction publique. Pourtant, il est notoire que la protection des travailleurs·euses en droit public est clairement meilleure que ce que prévoient les CCT.
Des normes insuffisantes dans un secteur en voie de privatisation
La LCTSI contient quelques dispositions éventuellement obligatoires pour régler les conditions de travail. A ce stade, ces dispositions sont insuffisantes et elles auraient un impact négligeable sur le quotidien de la majorité des personnels. Dans sa réponse détaillée, le SSP propose des solutions pour une LCTSI qui soit contraignante et oblige tous les employeurs, privés comme publics, à améliorer les conditions de travail.
Et en même temps, la révision de la LAMal (EFAS) réduit le pouvoir des cantons
Le Conseil fédéral met en consultation la LCTSI alors qu’il a fait passer au parlement, après le vote populaire de l’initiative pour des soins infirmiers, une réforme de la LAMal (Financement uniforme des prestations - EFAS) qui sera mise en votation le 24 novembre 2024. Or, cette réforme va donner un pouvoir considérable aux caisses-maladie qui, par un mécanisme assez simple de captation de l’entier du financement des soins, pourront imposer un système de santé de plus en plus libéral et privatisé. Or la LCTSI ne donne aucun réel pouvoir aux cantons pour imposer des règlementations améliorant les conditions de travail.
Davantage de concurrence, davantage de privatisation, c’est moins de service public et, comme conséquence, des contrats de travail moins réglementés.