C’est d’un coup sec que la réforme de la LPP a été balayée: 67% de non et un refus dans tous les cantons. Si le non était attendu, son ampleur a surpris. D’autant que le camp du oui bénéficiait d’un gros budget de campagne, environ 3,5 millions de francs, dont près d’un million versé par les assureurs. Les partisan·e·s du oui ont également pu compter sur le soutien du Conseil fédéral, y inclus la ministre socialiste Élisabeth Baume-Schneider. Sonné par cette large défaite, le camp du oui a prétendu, non sans un certain mépris de classe, que les gens n’avaient pas compris un sujet «trop complexe».
Or c’est au contraire parce que les citoyennes et citoyens ont bien compris les enjeux, qu’elles et ils ont massivement rejeté une mauvaise réforme au cœur de laquelle se trouvait la baisse du taux de conversion. Loin d’être dupes, beaucoup se souvenaient que cette mesure avait déjà été proposée et rejetée par 2 fois, en 2010 et en 2017. Le discours d’une réforme favorable aux femmes n’a pas été crédible. Et pour cause. Celles et ceux qui le portaient sont les mêmes qui refusent d’augmenter les salaires des travailleuses, en s’opposant au salaire minimum ou à la valorisation des métiers féminins. Ce sont aussi les mêmes qui ont imposé aux femmes de travailler jusqu’à 65 ans, qui ont combattu avec hargne la 13e rente et qui maintenant refusent de la financer solidairement via les cotisations salariales lui préférant la hausse de TVA; laquelle est une taxe antisociale et qui nécessite une nouvelle votation. Ce sont encore les mêmes qui veulent imposer un budget d’austérité réduisant le financement de la Confédération à l’AVS, ainsi que les budgets pour le social ou l’accueil de l’enfance, sous prétexte qu’il n’y a pas d’argent, mais qui trouvent en un clin d’œil 4 milliards de francs supplémentaires pour l’armée.
Cette année, la population s’est clairement positionnée pour un système de retraite solidaire. Un message que la droite ne veut pas entendre. Le répit risque d’être de courte durée et, fort·e·s de nos victoires, nous devrons poursuivre le combat. En effet, l’agenda annoncé par Baume-Schneider est chargé: financement de la 13e rente, suppression de la rente de veuve, initiative du Centre pour déplafonner la rente de couple, nouvelle réforme de l’AVS à l’horizon 2026 avec une droite qui va revenir avec son idée fixe de retraite à 67 ans. Nous, on ne lâchera rien. Côté syndical, l’USS annonce vouloir se battre pour augmenter le taux d’intérêt, indexer les rentes LPP et limiter les frais administratifs excessifs du deuxième pilier. Des motions sont annoncées pour améliorer le niveau des rentes des travailleuses, notamment grâce à un bonus éducatif dans la LPP. La droite fera barrage.
Sur le fond, se pose la question de revoir un système des trois piliers qui n’a pas fait ses preuves. Pour les femmes qui ont des bas salaires et des temps partiels, seul un système de prévoyance vieillesse basé, comme l’AVS, sur la solidarité – entre hauts et bas salaires, entre jeunes et vieux, entre hommes et femmes – est à même de leur garantir des rentes suffisantes pour vivre dignement. Face aux enjeux climatiques, aux appétits d’une industrie financière qui en veut toujours plus et à des rentes du deuxième pilier en chute libre, la question de l’avenir du système est non seulement légitime, mais nécessaire.
Nous y reviendrons donc, mais, dans l’immédiat, nous avons une autre bataille à mener urgemment: combattre EFAS, cette réforme du mode de financement du secteur de la santé qui va accroître le pouvoir des assurances-maladie et donner notre santé en pâture au secteur privé, dont l’objectif est de faire du profit sur le dos du personnel et des patient·e·s. Préparons-nous à glisser encore un non dans les urnes. Ce sera le 24 novembre.