Gagner contre le lobby de la santé

de: Edito de Christian Dandrès, président du SSP

L’avenir du système de santé se joue le 24 novembre. Avec le vote sur la contre-réforme de la LAMal (EFAS), la population peut mettre un cran d’arrêt à la soumission du secteur de la santé à la logique marchande et au pouvoir des caisses-maladie.

Eric Roset

Nous avons obtenu deux victoires pour nos retraites (13e rente AVS, LPP 21). Ces scrutins marquent une décennie de combat pour sauver les rentes. Nous avons battu le lobby des assurances-vie. Avec EFAS, nous devons gagner contre le lobby de la santé. EFAS décline dans le domaine des soins la même volonté de démanteler les avancées sociales du siècle dernier que représentent l’AVS, la LAMal et la protection des locataires.

EFAS remet en cause la logique d’assurance sociale censée protéger de manière universelle les assuré-e-s, pour la remplacer par le rationnement des soins pour celles et ceux qui n’ont que l’assurance de base et, de l’autre côté, des profits en hausse pour les «acteurs majeurs» du système (assurances, cliniques, pharmas).

EFAS casse la solidarité. Elle provoquera une hausse des primes maladie et de la participation directe des assuré·e·s. Même santésuisse n’en fait pas mystère.

Des cantons ont profité des travaux parlementaires pour se décharger de leur responsabilité dans le financement des soins. EFAS réduira celui-ci de plus de la moitié pour les hospitalisations et en moyenne de la moitié pour les soins aux aîné·e·s (soins à domicile et en EMS). Or, le besoin de financement dans ce domaine ne cesse d’augmenter avec le vieillissement de la population et l’accroissement des maladies du grand âge.

EFAS donnera aux caisses-maladie la mainmise sur l’entier du système, au prétexte de «simplification».

Les cantons se désengageront de leur responsabilité au profit des caisses-maladie qui deviendront le principal interlocuteur des hôpitaux et des établissements de soins. Ce ne sont pas moins de 13 milliards de francs de nos impôts, en plus des 38 milliards de primes que les assurances gèrent déjà, que les cantons devront leur verser.

Or, ce pouvoir exorbitant des assureurs est le cœur du problème vu leur opacité, leurs frais de fonctionnement et leurs conflits d’intérêts permanents. En Suisse, les caisses-maladie sont responsables de l’assurance de base tout en étant autorisées à «chasser» des client·e·s pour leurs assurances complémentaires lucratives.

EFAS prépare le terrain à la prochaine étape du projet des caisses-maladie – voulue par Blocher, Rickli et consorts – soit l’imposition à toute la population de réseaux de soins contraints sous la seule responsabilité des assureurs. Sans attendre le résultat du 24 novembre prochain, le principe a déjà été voté en septembre dernier au Conseil des États: sur le modèle des États-Unis, un système de santé contrôlé par des assureurs qui décideraient de la prise en charge médicale, à la place des patient·e·s et de leurs médecins.

EFAS étendra aux soins aux aîné·e·s la même logique financière qui fait exploser les primes, casse les conditions de travail des personnels de santé et met les hôpitaux publics au bord de la faillite.

Ce système, déjà imposé aux hôpitaux en 2012, remplacera le subventionnement et la garantie de déficit des cantons. Il a permis aux cliniques privées de se faire une place au soleil. Elles accaparent désormais les domaines de soins rentables, pour lesquels il n’est pas nécessaire d’avoir un accueil 24 h/24, 7 j/7. Elles sélectionnent les «opérations rentables», tandis que les situations complexes sont laissées aux hôpitaux publics.

Les conséquences sont catastrophiques pour les hôpitaux publics, leurs patient·e·s et les personnels de santé. En quelques années, les conditions de travail se sont dégradées au point que la relève n’est plus assurée.

La révision de la LAMal en cours poursuit cette logique: rentabilité au lieu de qualité pour les soins aux aîné·e·s.

La campagne contre EFAS est aussi importante que celles que nous venons de gagner pour l’AVS et la LPP. Il ne s’agit rien de moins que de solidarité et de dignité humaine.