Le 22 février 2018 a eu lieu une première grève massive, suivie par plus de 40'000 employé·e·s dans environ 65 universités du Royaume-Uni, contre une réforme du régime des retraites. Le mouvement s’est poursuivi en octobre 2019, débouchant sur une grève de huit jours et une extension du champ des revendications aux conditions générales de travail (temps de travail et lutte contre la précarisation des contrats) ainsi qu’aux salaires. Avant que la pandémie n’arrête leur mouvement, près de 50'000 employé·e·s des universités se sont encore mobilisé·e·s durant quatorze jours d’affilée en février 2020. Mais c’est en novembre 2022 que la mobilisation a atteint des niveaux records: 70'000 employé·e·s de plus de 150 universités ont alors rejoint les piquets de grève.
C’est pour nous parler des raisons et de la dynamique de ces mobilisations historiques que le SSP a invité Jon Hegerty, l’un des dirigeant·e·s de la University and College Union (UCU), l’une des organisations fer de lance de ce mouvement, pour une conférence en ligne qui a eu lieu le 10 octobre.
La réalité des universités britanniques est une extrême précarisation des conditions de travail en comparaison internationale. Non seulement les salaires des employé·e·s ont été abaissés de 25% depuis 2019, mais les conditions de travail se sont également détériorées. Dans la hiérarchie quasi féodale du monde académique, ces mesures d’austérité touchent d’abord celles et ceux qui ne possèdent pas de contrats fixes (doctorant·e·s et post-doctorant·e·s), qui représentent la vaste majorité des employé·e·s. Certain·e·s se voient proposer des contrats dits "zéro heure" qui impliquent un salaire versé à la tâche sans garantie de pouvoir travailler, d’autres reçoivent au mieux des contrats de court terme d’une année.
La dynamique de la mobilisation a également dû faire face à une absence relative de tradition militante au sein du monde académique, affectant à la fois les motivations à faire grève et la manière de s’y prendre pour la faire. Le syndicat a tenté d’y répondre de différentes manières. D’abord, pour mobiliser les personnes non syndiquées, il s’agit de privilégier un discours sur le respect de la dignité des employé·e·s dans leurs conditions de travail et les injustices qui découlent de celles-ci plutôt qu’un discours politique trop général. Cela permet également de rallier d’autres secteurs du salariat à la cause. Ensuite, on ne peut mobiliser ses collègues qu’en parlant avec elles et eux, et ne pas oublier qu’un piquet de grève a pour but d’empêcher physiquement les autres collègues d’aller travailler. Enfin, si l’on accepte l’idée que les universités sont aujourd’hui des usines à délivrer des diplômes, il faut mettre les « lignes de production » à l’arrêt, par exemple en retenant les notes et les diplômes. À méditer dans le contexte suisse.
Article paru dans la Lettre Infos Hautes Écoles n° 22 du SSP Vaud