1. Parce que tout augmente
Depuis la fin de l’année 2020, le coût de la vie a augmenté de 6,2% en Suisse. Et cela, sans prendre en compte l’explosion des primes d’assurance maladie, qui ont grimpé de 6,6% en moyenne en 2022. Comme le souligne l’économiste Sergio Rossi, « le renchérissement dépasse largement ce que disent les chiffres »[1]. Cette spirale à la hausse est loin d’être terminée: en 2024, les primes d’assurance maladie risquent d’augmenter de 5 % ou plus; après avoir augmenté de 27% l'an dernier, les prix de l'électricité vont bondir à nouveau en 2024 – la hausse médiane est estimée à 12%; il faut s’attendre à des hausses de loyers encore plus fortes, à la suite de l’augmentation du taux d’intérêt de référence applicable aux contrats de bail; et pour couronner le tout, la TVA sera relevée, au 1er janvier 2024, de 0,4 point de pourcentage.
2. Parce que les salaires baissent
Alors que tout augmente, les employeurs refusent d’indexer les salaires. Conséquence: en termes réels, les salaires reculent. Selon l’OFS, les salaires réels ont baissé de 0,8% en 2021 et de 1,9% en 2022; et en 2023, l’augmentation des rémunérations sera de nouveau inférieure à l’inflation. Résultat des courses: trois années de suite de diminution des salaires réels – du jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale ! Un·e travailleur·euse touchant un salaire médian (79 980 francs par an) a ainsi subi en Suisse une baisse de salaire réelle de 3,6% depuis 2021. Le pouvoir d'achat de son salaire annuel est aujourd'hui inférieur de 2860 francs à ce qu'il était en 2020[2]. Et cela, sans tenir compte de l’évolution des primes d’assurance maladie !
3. Parce que les travailleuses paient le prix fort
L’inflation pèse particulièrement sur les bas revenus. Or en Suisse, les femmes sont majoritaires dans les branches à bas salaires: plus d’une travailleuse sur deux gagne moins de 4200 francs mensuels (treizième salaire compris); une sur quatre touche 2500 francs par mois ou moins; et même après avoir conclu un apprentissage, quatre femmes sur dix touchent un salaire inférieur à 5000 francs mensuels pour un temps plein. Ces bas salaires assombrissent les fins de mois mais aussi l’avenir, en particulier au moment de la retraite. Le 14 juin dernier, la Grève féministe a mobilisé des centaines de milliers de femmes revendiquant, entre autres, l’égalité des salaires et une hausse des rentes. Pourtant, les employeurs continuent à faire la sourde oreille.
4. Parce que les rentes sont en chute libre
En 2021, 15,4% des personnes âgées (17,9% des femmes, 12,5% des hommes) de 65 ans et plus touchaient un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Cette situation est liée au niveau souvent trop bas des rentes versées par le système de retraites (AVS et LPP). Selon l’OFS, la rente AVS se situe en moyenne à 1884 francs pour une femme, 1862 francs pour un homme. Pourtant, le Parlement fédéral a refusé l’indexation intégrale des rentes AVS, qui perdent ainsi de leur valeur. Quant aux retraites versées par les caisses de pension (2e pilier), elles ont baissé de plus de 20% en moyenne au cours des 20 dernières années. Et malheureusement, cette baisse est loin d’être terminée. L’USS a calculé que, d’ici fin 2024, les retraité·e·s risquent de perdre encore l’équivalent d’un mois entier de rente en pouvoir d’achat.
5. Parce que la précarité augmente
La pauvreté touche 745 000 personnes en Suisse. Selon l’œuvre d’entraide Caritas, une personne sur sept vit juste au-dessus du seuil de pauvreté. Les salarié·e·s touchant de bas salaires sont particulièrement vulnérables à la précarité. Or ils et elles sont nombreux·euses: en 2020, 10,5% des salarié·e·s (491 000 personnes, dont 63,5% de femmes) occupaient un emploi à bas salaire (moins de 4382 francs bruts pour un plein temps). La pauvreté travailleuse touche ainsi 305 000 personnes (enfants compris). Selon une récente étude menée par le cabinet d’audit PwC, cette situation pousse près de 23% des salarié·e·s à cumuler les jobs pour essayer de boucler les fins de mois [3]. La baisse des salaires réels risque ainsi de précipiter des dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs dans la pauvreté.
6. Parce que les inégalités explosent
Tout le monde est loin d’être logé à la même enseigne. Alors que des milliers de salarié·e·s ont de la peine à joindre les deux bouts, une minorité de privilégié·e·s voit ses revenus augmenter fortement. De 1990 à 2021, le 0,1% de salarié·e·s les mieux payé·e·s (5165 personnes touchant plus de 900 000 francs par an) ont vu leurs revenus augmenter de 95,1%; quant au 0,01% des plus favorisé·e·s (516 personnes touchant plus de 3 millions de francs), ses revenus ont crevé le plafond: +160%[4] ! La progression des grandes fortunes est encore plus frappante. D’après Bilan, les 300 plus riches de Suisse ont vu leur fortune progresser, en 2021, de 16,3%, pour atteindre un record absolu: 821,8 milliards de francs!
7. Parce que patrons et actionnaires se gavent
L’inflation ne fait pas que des perdant·e·s. « Les bénéfices des entreprises ont augmenté davantage que les coûts de main-d’œuvre dans de nombreux pays et secteurs, ce qui laisse à penser que la crise du coût de la vie n’est pas équitablement répartie » note l’OCDE, l’organisation des pays les plus riches au monde[5]. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a fait le calcul: la hausse des profits des entreprises a contribué aux deux-tiers de l’inflation mondiale en 2022 [6] ! En Suisse Stefan Meierhans, le préposé à la surveillance des prix, dénonce une « inflation de la cupidité » [7]: de grandes entreprises comme ABB, Novartis, Nestlé ou Glencore ont fortement augmenté leurs prix et annoncent des bénéfices historiques.
8. Parce que les caisses de l’Etat sont pleines
En 2021, les cantons ont réalisé un excédent cumulé de 2,7 milliards de francs. En 2022, ils ont engrangé plus de 3,5 milliards de francs de bénéfices (543 millions dans le canton de Zurich, 727 millions à Genève, etc.). Et cela sans prendre en compte les artifices comptables visant à relativiser l’ampleur des excédents, à l’image de la dotation de 192 millions aux «fonds et provisions» effectuée par le canton de Fribourg. Les caisses des employeurs publics sont donc pleines, elles aussi. Dans ce contexte, la hausse des salaires dans le secteur public est une revendication tout à fait réalisable ! Et il en va de même pour les bourses d’études, principale source de revenu pour les étudiant·e·s les plus précaires.
9. Parce que les employeurs mettent les pieds au mur
Selon une étude réalisée par l’université de Saint-Gall, les firmes suisses (sans prendre en compte le secteur financier) cotées à la bourse « sont notamment plus profitables que celles d’autres pays européens comme l’Allemagne, la France ou l’Italie »[8]. Et la courbe est croissante: la somme de leurs bénéfices nets est passée de 30 milliards en 2005 à 92 milliards de dollars en 2022. Les actionnaires des entreprises helvétiques voient donc la vie en rose: ils ont touché 44,2 milliards de dollars de dividendes l’an dernier, selon les estimations de la société de gestion Janus Henderson. Or malgré cette situation exceptionnelle, les employeurs ne veulent pas entendre parler d’une hausse des salaires réels. Ils balaient les revendications de l’Union syndicale suisse d’un ton méprisant. Pierre-Gabriel Bieri, du Centre patronal, écrit par exemple que la baisse des salaires réels « fait partie des aléas de la vie économique », et qu’« on ne peut pas exiger d’elles [les entreprises] des efforts excessifs uniquement pour maintenir le pouvoir d’achat de la population »[9]. Du côté des collectivités publiques, le son de cloche est le même.
10. Parce que les attaques contre les salarié·e·s continuent
Les partis de droite et le Conseil fédéral accentuent leurs attaques contre les conditions de vie des travailleurs et travailleuses. Après avoir imposé l’élévation de l’âge de la retraite des femmes, ils ont refusé d’indexer les rentes AVS et préparent une hausse généralisée de l’âge de la retraite; en mars dernier, ils ont imposé le projet LPP 21 qui prévoit une augmentation des cotisations et une baisse des rentes LPP; quelques mois plus tôt, la majorité de droite du Parlement fédéral avait adopté la motion Ettlin, qui veut en finir avec les salaires minimaux cantonaux. Ce n’est pas tout. Le Conseil fédéral veut aussi imposer des mesures d’économies drastiques à la Confédération, notamment en supprimant les rentes AVS versées aux veuves – au lieu de la garantir aux veufs; en revanche, il maintient son projet de « taxe au tonnage », un généreux cadeau fiscal destiné aux grandes entreprises maritimes et aux sociétés actives dans le négoce des matières premières.
Conclusion: Toutes et tous à Berne le 16 septembre !
Pour éviter un nouvel appauvrissement de la majorité des salarié·e·s au profit d’une minorité de super-riches, il est indispensable de nous mobiliser largement. C’est dans cet objectif que le SSP et l’ensemble des syndicats de l’Union syndicale suisse, soutenus par l’association suisse des locataires (Asloca), appellent à une grande manifestation nationale le 16 septembre prochain.
Nous y défendrons trois revendications principales: une hausse générale de 5% des salaires pour toutes et tous au 1er janvier 2024; une hausse des rentes AVS (13e rente) et LPP, ainsi qu’une hausse des bourses d’études.
Venez nombreuses et nombreux !
Informations pratiques pour participer à la manifestation
[1] 24 heures, 9 mai 2023.
[2] NZZ, 25 juillet 2023.
[3] NZZ am Sonntag, 22 juillet 2023.
[4] NZZ, 3 juin 2023.
[5] OCDE: Perspectives de l’emploi 2023. Juillet 2023.
[6] The guardian, 27 juin 2023.
[7] Blick, 30 juillet 2023.
[8] NZZ, 2 août 2023.
[9] Centre patronal, 26 juillet 2023.