Salaires: des luttes à étendre

Les mobilisations de la fonction publique, le 12 octobre à Genève et le 13 octobre à Lausanne, s'inscrivent dans une bataille centrale pour les salaires.

Photo Valdemar Verissimo

Mercredi 12 octobre à Genève, les salarié·e·s du secteur public et les employé·e·s des Transports publics genevois (TPG) ont fait grève – reconduite le lendemain matin aux TPG – et manifesté. Le jour suivant, leurs collègues vaudois-e-s manifestaient à Lausanne. Les 7 et 8 novembre, ce sont les maçons qui feront grève.

Toutes ces mobilisations convergent autour d’une exigence minimale: la pleine indexation des salaires.

Cette revendication est centrale. Car au cours des prochains mois, la hausse du coût de la vie – en réalité supérieure à ce qu’indique l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui sous-estime le poids des primes d’assurance maladie et des loyers – va se poursuivre. Elle frappera avec force les bas salaires, qui sont légion en Suisse: selon l’OFS, 10,5% des salarié-e-s, soit près d’un demi-million de personnes, touchaient en 2020 un revenu inférieur à 4443 francs bruts par mois (pour un plein temps!).

«Plusieurs centaines de milliers de personnes vivent si près du seuil de pauvreté que le prochain choc des prix pourrait les précipiter dans la pauvreté» [1]. En l’absence de hausse générale des salaires, une partie de la population travailleuse risque d’être précipitée dans une nouvelle crise sociale – après les files d’attente devant les stands de distribution de nourriture lors de la pandémie.

Malgré cette situation tendue, les employeurs – du privé comme du public – traînent des pieds. L’institut de recherche économique KOF estime que les salaires nominaux devraient augmenter de 2,1% cette année, alors que l’inflation est supérieure à 3%. On se dirige donc (après 2021) vers une nouvelle baisse des salaires réels. Pour se justifier, l’Union patronale suisse invoque la marge de manœuvre «réduite» des employeurs. Quant aux gouvernements cantonaux, ils se plaignent d’une «situation financière difficile».

C’est du pipeau. L’année dernière, les cantons ont réalisé un excédent cumulé de 2,7 milliards de francs – alors qu’ils tablaient sur un déficit de 2,5 milliards. Dans le privé, les affaires tournent à plein régime. Au deuxième trimestre de cette année, l’industrie helvétique – hors pharma, qui carbure encore plus fort – a été plus productive que durant la même période en 2019 [2]. Quant aux profits, ils atteignent des sommets – avant de retomber dans les poches des actionnaires. En 2021, les quarante principales entreprises helvétiques ont versé plus de 80 milliards de francs à leurs propriétaires [3].

Le problème n’est pas la création des richesses mais leur répartition, toujours plus inégalitaire, entre Capital et Travail. Avec une conséquence, inacceptable: en Suisse, le pays comptant la plus grande densité de millionnaires au monde, une part croissante de la population travailleuse n’arrive plus à nouer les deux bouts.

Dans ce contexte, chaque bataille concrète pour les salaires revêt une grande importance. Étendre ces luttes à un maximum de secteurs et de cantons devrait être une priorité pour les syndicats.


[1] NZZ am Sonntag, 2 octobre 2022.

[2] Work, 30 septembre 2022.

[3] Noémie Zurlinden, Maël Mühlemann, Sébastien Privet: Étude sur les écarts salariaux 2022. Unia, août 2022.


Galerie: Genève et Lausanne: mobilisations du 12 et du 13 octobre 2022

Crédits photos:

Valdemar Verissimo et SSP