«Respecter la dignité de l’animal»

de: Interview «Services Publics»

Le SSP appelle à voter oui à l’initiative pour une Suisse sans élevage intensif, soumise au vote le 25 septembre. Julia Huguenin, membre du secrétariat qui mène campagne en faveur de ce texte, en explique les enjeux.

L’assemblée des délégué-e-s du SSP a décidé de soutenir l’initiative pour une Suisse sans élevage intensif, pour des raisons écologiques et de santé publique. Ce soutien s’inscrit dans la ligne plébiscitée lors de notre dernier congrès: se battre pour un profond changement de société, selon le principe de la justice climatique et sociale. Voter oui à cette initiative est donc un premier pas dans la bonne direction. Mais la transition éco-sociale nécessite aussi que l’on se mobilise dans un maximum de secteurs – comme par exemple à Fribourg, où le SSP fait campagne pour la décarbonation de la caisse de pension de l’Etat.

Quel est l’objectif de l’initiative pour une Suisse sans élevage intensif?

Julia Huguenin – La dignité de l’animal, qui est ancrée dans la Constitution, doit aussi être respectée dans l’élevage. Or aujourd’hui, de grosses exploitations industrielles négligent systématiquement le bien-être des animaux.

Notre texte vise cette minorité de gros élevages qui imposent des conditions effroyables aux animaux.

Aujourd’hui, il est possible de détenir 27 000 poulets d’engraissement dans un seul bâtiment. Durant leur courte vie (35 jours), ces poulets n’ont même pas l’occasion de sortir en plein air. De même, 50% des porcs d’engraissement n’ont jamais accès à l’air libre, et la loi permet de parquer jusqu’à dix d’entre eux sur l’espace correspondant à une place de parking. Le stress et l’ennui de ces bêtes est tel que certaines commencent à manger leur queue.

Notre initiative veut améliorer les conditions de vie de ces animaux que nous ne voyons jamais. Nous demandons que la loi d’application s’appuie a minima sur le cahier des charges Bio Suisse 2018 pour concrétiser nos principales revendications: détention et soins respectueux des animaux, sorties régulières en plein air, taille maximale des groupes par bâtiment, etc. Les élevages concernés auront vingt-cinq ans pour adopter ces nouvelles normes.

Selon les opposant·e·s mené·e·s par l’Union suisse des paysans (USP), votre initiative menacerait l’élevage en Suisse…

Leur campagne joue sur la peur et cache le fait que la grande majorité des élevages suisses ne sont pas concernés par notre texte: la plupart d’entre eux détiennent des vaches laitières, dont 86% appliquent un programme d’élevage en plein air.

Notre initiative vise une poignée d’élevages industriels qui contrôlent désormais la plus grande partie de la production animale. Il s’agit de véritables usines qui élèvent jusqu’à 27'000 poulets, 1500 cochons ou 300 bovins dans une halle. Elles fournissent les sociétés liées aux géants de la grande distribution comme Micarna ou Bell, ou leur appartiennent.

Notre objectif n’est pas la fin de l’élevage en Suisse. Au contraire, nous nous battons pour une agriculture tournée vers l’avenir, favorisant les petits paysans locaux, dans laquelle tous les animaux auraient un accès régulier à l’extérieur et où les importations d’aliments pour animaux seraient réduites.

Notre texte est d’ailleurs soutenu par l’association des petits paysans, Demeter et Biosuisse. Cependant, les éleveuses et éleveurs qui nous soutiennent n’osent pas sortir du bois car ils subissent beaucoup de pressions – comme lors de la campagne contre les pesticides de synthèse.

Selon l’USP, l’interdiction de l’élevage intensif doperait les importations de viande…

Au contraire. Notre initiative exige que les produits d’origine animale entrant en Suisse correspondent aussi aux nouvelles normes.

Vous affirmez que la fin de l’élevage intensif bénéficiera à toute la société. Pourquoi?

Tout d’abord, l’élevage intensif favorise les pandémies. Il est en un puissant vecteur des zoonoses, ces maladies (comme le Covid ou Ebola) qui passent des animaux aux êtres humains.

L’usage d’antibiotiques de réserve est courant dans les élevages industriels, ce qui augmente la résistance à ces médicaments au sein de la population – une véritable bombe à retardement pour la santé publique.

L’élevage intensif a un impact climatique très important. Au sein de l’agriculture, il génère 85% des émissions de CO2.

Rappelons aussi que l’industrie de la viande impose des conditions de travail très dures et une grande précarité à ses employé-e-s.

L’objectif doit donc être de manger moins de viande – selon l’Office fédéral de l’environnement, la population helvétique en mange trois fois trop, ce qui est mauvais pour la santé –, mais de meilleure qualité et produite dans des conditions respectant la dignité humaine et animale.

Autant de raisons de voter oui le 25 septembre!