2,6 milliards d’excédents pour l’AVS!

de: Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP

En 2021, les comptes de l’AVS ont bouclé sur un confortable bénéfice. Un résultat qui met en pièces l’argumentaire des partisans de la contre-réforme AVS 21.

photo Eric Roset

« Pour un avenir sûr, il faut remédier au déficit de l’AVS ». C’est par ces mots que commence le communiqué de presse d’economiesuisse annonçant la mise en place d’une large alliance en faveur de la réforme AVS 21 [1].

De l’intox !
Or, n’en déplaise à la droite, au patronat et aux supporters d’AVS 21, il n’y a pas de déficit de l’AVS. Au contraire. Les finances se portent bien. D’après compenswiss, l’établissement chargé d’administrer les fonds de l’AVS, de l’AI et des APG: « L’AVS clôt l’exercice 2021 sur un résultat de répartition positif de 880 millions. Ce résultat confirme la hausse observée en 2020. [2] Le résultat de répartition prend en compte uniquement les cotisations encaissées et les rentes versées, sans tenir compte des placements. Ce compte est positif depuis l’acceptation en votation populaire de la réforme fiscale et de l’AVS (RFFA). Votée en 2019, celle-ci a augmenté les cotisations à l’AVS de 0,3%. Cette modeste hausse a immédiatement eu un effet positif: en 2020, les comptes AVS ont enregistré un excédent de 570 millions. Ce résultat positif s’est confirmé en 2021. C’est donc un pur mensonge de prétendre qu’il faut remédier au déficit de l’AVS: ce déficit n’existe pas !

Loin de la catastrophe
Les finances de la principale assurance sociale du pays se portent encore mieux lorsqu’on observe le résultat des placements: 1652 millions de francs viennent s’ajouter aux 880 millions du fonds de répartition, pour un excédent total de près de 2,6 milliards. En 2021, la fortune de l’AVS frôle ainsi les 50 milliards. On est très loin des scénarios catastrophe que le Conseil fédéral et la droite essayent de nous faire avaler à chaque fois qu’ils envisagent de péjorer nos conditions de retraite. Pour rappel: en 2005, la 11e révision de l’AVS visait déjà à augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Au cours du débat sur cette révision, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a prétendu que les réserves de l’AVS baisseraient jusqu’en 2010 et que le financement de nos retraites ne serait plus garanti après 2015… Bilan des courses: en 2022, nos retraites sont toujours garanties et la fortune de l’AVS a passé de 22,7 (en 2000) à 49,7 milliards de francs. On est loin de la catastrophe !

Argument bidon
De 2005 à aujourd’hui, l’argument principal visant à justifier une augmentation de l’âge de la retraite des femmes reste le même: la baisse du nombre d’actifs-ves par rapport à celui des retraité-e-s et à l’espérance de vie – un rapport qui aurait dû ruiner les finances de l’AVS. Or cet argument n’est pas pertinent. D’abord, parce que les facteurs déterminants sont l’évolution de la masse salariale et de la productivité, qui croissent constamment en Suisse. Ensuite, parce que les personnes retraitées sont une ressource pour les jeunes générations. Chaque année, les grands-mères assurent 113 millions d’heures de garde des enfants, gratuitement. Elles financent de fait l’Etat, permettant ainsi à la jeune génération de parents, en particulier aux mères, de s’engager professionnellement – et de participer au financement de l’AVS par leurs cotisations.

NON à AVS 21 !
Les résultats publiés par compenswiss sont une raison supplémentaire de voter non à AVS 21. L’expérience des deux dernières années démontre qu’une modeste hausse des cotisations suffit à renforcer rapidement le financement de l’AVS. C’est la voie qu’il faut suivre. Non seulement pour éviter toute hausse de l’âge de la retraite, mais aussi pour exiger une réforme qui augmente les rentes – et cela bien au-delà de la 13e rente revendiquée par l’USS, un premier pas bénéfique mais insuffisant pour remplir le mandat fixé à l’AVS. Rappelons que la Constitution confie à l’AVS l’objectif de garantir les besoins vitaux des retraité-e-s. Or la rente minimale est aujourd’hui de 1 195 francs par mois: il est impossible, en Suisse, de vivre avec un tel montant.

Il faut donc augmenter les rentes, pas l’âge de la retraite !

La LPP au karcher
Alors que nous nous préparons à voter sur AVS 21, très probablement au mois de septembre, le débat parlementaire sur la révision de la LPP se poursuit – et ne s’améliore pas.

L’Union syndicale suisse (USS) dénonce les décisions que vient de prendre la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etat (CSSS-E), qui péjore encore le projet que son homonyme du Conseil national avait déjà ratiboisé.

« Concrètement les décisions de la commission entraineront d’énormes coûts pour les personnes à bas revenus. Dans l’ensemble, elles signifient qu’il faudra payer plus pour toucher une rente moindre », souligne l’USS [3]. Le seuil d’entrée serait réduit à 17 208 francs et le montant de la déduction de coordination serait fixé à 15% du salaire soumis à l’AVS. Avec ces mesures, 140 000 personnes en plus seraient soumises au deuxième pilier du système de retraite.

Mais à quel prix et pour quelle rente? D’après les calculs de l’USS, une personne touchant un salaire annuel de 25 000 francs payerait près de 8% de cotisations en plus, soit entre 160 et 250 francs, pour espérer toucher dans 40 ans une rente mensuelle d’au maximum 500 francs. Si, d’ici là, de nouvelles réformes ne viennent pas saper ces minces espoirs.

Le débat sur LPP 21 montre une fois encore que le 2e pilier est un mauvais choix pour les revenus modestes, en majorité féminins. C’est pourquoi il faut porter nos luttes sur le terrain d’un véritable renforcement de l’AVS qui inclut l’augmentation des rentes et la baisse de l’âge de la retraite.

Cette dernière revendication entre aussi en écho avec les demandes des mouvements pour le climat et féministes pour réduire massivement le temps de travail.


[1] www.economiesuisse.ch, 25 mars 2022.

[2] Communiqué de presse de Compenswiss, 21 avril 2022

[3] https://www.uss.ch/themes/politique-sociale/detail/lpp-21-payer-plus-pour-des-rentes-moindres-nest-pas-une-option