Santé: se mobiliser plutôt que fuir!

de: Beatriz Rosende, secrétaire centrale SSP

La marchandisation de la santé est un échec. Par notre organisation et notre lutte collective, nous pouvons imposer un changement de logique.

Photo Eric Roset

Plus de 200 000 employé-e-s du secteur de la santé attendent une revalorisation de leurs conditions de travail. Revendiquées par notre syndicat, quelques primes ont été octroyées ici ou là, en signe de reconnaissance. Mais globalement les conditions de travail restent, au mieux, gelées.

Il n’y a pas de chiffres officiels, mais on sait que de nombreuses personnes ont quitté un job devenu insupportable. Retraites très anticipées, reconversions, baisse du taux d’activité ou, plus grave, maladies handicapantes dessinent un sombre tableau.

Pourquoi une telle saignée? Les motifs de départ sont presque toujours liés aux mauvaises conditions de travail. Salaires insuffisants, manque de reconnaissance et horaires fous poussent le personnel vers la porte. Pourtant, le secteur de la santé est réglementé. Conventions collectives de travail (CCT) et lois sur le personnel couvrent la plus grande partie du secteur. Ces normes ne tombent pas du ciel: elles découlent d’un rapport de forces. Et tant que notre taux de syndicalisation restera bas, les règles seront dictées par les employeurs.

Des négociations sont en cours dans plusieurs cantons. À Neuchâtel, l’ensemble du secteur de la santé risque de voir sa CCT dénoncée en juin prochain. Les discussions se déroulent sous haute tension, notamment parce que la partie patronale tente d’imposer le silence sur leur contenu. Négocier en toute discrétion et sans impliquer les salarié-e-s est une stratégie patronale visant à imposer des détériorations de la CCT en faisant croire au personnel qu’elles tombent du ciel.

En Valais, c’est un peu la même musique qui se joue autour des négociations pour le personnel hospitalier: une refonte du système salarial, d’inspiration ultralibérale, a été imaginée en toute discrétion par l’employeur – avec la collaboration d’un consultant externe, sans participation des syndicats. La dernière étape, pour les concepteurs du système, serait de faire avaler ce programme, présenté comme novateur, aux représentant-e-s du personnel, permettre quelques retouches et, ensuite, le «vendre» tout ficelé aux salarié-e-s.

De plus en plus, les directions hospitalières passent par des organismes externes, prétendument neutres, pour contourner la négociation. Leur prétexte: il faudrait faire appel à des «spécialistes» pour évaluer et trouver des solutions. Finalement, ces «experts» sortent pourtant des recettes éculées de leur chapeau: salaire au mérite, flexibilité accrue, opacité des règles du jeu et mise en concurrence. En bref: la loi du marché, pourtant largement responsable de l’incapacité du système sanitaire à faire face aux défis de la pandémie de Covid-19. Dans les hôpitaux, les lits et le personnel qualifié en soins intensifs n’ont en effet pas disparu par un coup de baguette magique. Au contraire. Des lits ont été fermés car ils «coûtaient» trop cher. Idem pour les spécialisations en soins intensifs: trop chères et peu rentables.

La marchandisation de la santé est un échec. Mais les autorités politiques et les directions hospitalières refusent de changer de cap et d’extraire les services publics de la logique de rentabilité qui fait fuir les personnels et détruit notre système de santé.

Par notre organisation et notre lutte collective, nous pouvons imposer un changement de logique.