Santé: reprendre la lutte !

de: Beatriz Rosende, secrétaire centrale

Un personnel soignant épuisé, mis sous pression et méprisé par les autorités affronte la quatrième vague de Covid-19. Il est temps de reprendre la mobilisation pour de meilleures conditions de travail et un renforcement de la santé publique !

photo Valdemar Verissimo

Dans le monde, la pandémie de Covid-19 a tué au moins 115 000 professionnel-le-s de la santé. Et ce n’est pas fini. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a désigné 2021 comme année internationale des personnels de soins et d’aide à la personne, en hommage aux services exceptionnels rendus par ces professionnel-le-s pendant la pandémie.

Soigner sans filet
Au printemps 2020, une large part des personnels de santé a dû travailler sans protections suffisantes, notamment dans les EMS et les soins à domicile. Dans les hôpitaux aussi, les masques ont été rationnés. Le Conseil fédéral a supprimé les protections de la Loi sur le travail pour autoriser le travail hospitalier au-delà des 50 heures légales par semaine. Les personnes vulnérables sont restées longtemps sans protection suffisante. Idem pour les femmes enceintes.

Valorisation zéro
Et aujourd’hui ? L’investissement énorme du personnel soignant est loin d’être valorisé. Au contraire. L’élévation de l’âge de la retraite des femmes est remise sur le tapis, sans aucune considération pour les femmes qui ont soigné les malades. La prime Covid ? Au mieux, elle a été distribuée avec parcimonie; au pire, elle est restée inexistante. De rares augmentations des salaires sont en vue. Pas le moindre geste, en revanche, pour améliorer les conditions de travail. Même l’initiative pour des soins infirmiers forts, lancée par l’Association suisse des infirmières (ASI), n’a pas abouti à un contre-projet suffisant.

Entre épuisement et démission
Au cours de la pandémie, les salarié-e-s de la santé se sont épuisé-e-s, jusqu’à la maladie. Certain-e-s démissionnent, d’autres vont voir ailleurs. Ils et elles constatent que le manque de dotations et la pression à aller toujours plus vite sont partout. Dans de nombreux services, la situation est critique: les taux d’absentéisme augmentent, des collègues ont développé des covid longs, avec le risque de séquelles à long terme. La santé du personnel, et par ricochet celle des patient-e-s, sont en jeu.

Un débat biaisé
Depuis le début de l’été, le débat public se résume à une question: « Faut-il obliger les personnels de santé à se vacciner ? » Les autorités cantonales dictent des arrêtés urgents à la chaîne, prétendument pour protéger les patient-e-s – alors qu’elles ignorent depuis des années les alertes face à la dégradation de la qualité des soins. De leur côté, les militant-e-s contre la vaccination dénoncent une prétendue « dictature sanitaire».

Poser le débat en ces termes est un piège. D’abord, les personnels de santé forment certainement la catégorie professionnelle la plus vaccinée – et l’une des plus favorables à la vaccination de la population. Car aujourd’hui, seule une campagne vaccinale massive permettra de soulager les équipes de soins. En France voisine, un collectif de personnels hospitaliers rappelle que « sortir de l’épidémie n’est pas une condition suffisante pour reconstruire l’hôpital public. Elle n’en est pas moins une condition nécessaire (1) ». Cette affirmation est valable pour la Suisse aussi: en particulier dans les divisions Covid, l’état d’épuisement du personnel est grave. Plutôt que stigmatiser les salarié-e-s, les autorités sanitaires devraient mener une large campagne visant à informer et convaincre les réfractaires au vaccin afin d’enrayer la vague qui monte – tout en anticipant les prochaines étapes de la pandémie, avec de potentiels nouveaux variants. En parallèle, elles doivent investir pour renforcer le service public de santé, engager du personnel et améliorer ses conditions de travail.

financement défaillant
Le mode de financement des établissements de soins doit aussi être revu. Basé sur la concurrence, le système actuel a encouragé les directions hospitalières à réduire les lits en soins intensifs, pas assez rentables. La pression aux économies est aussi la cause de la pénurie de spécialistes en soins intensifs – car on forme moins. Et dans les homes, l’accès à la formation continue est minimaliste – il faut lutter pour obtenir les mises à jour indispensables à la sécurité des soins !

Fatal nationalisme vaccinal
Autre question cruciale. Comment imaginer sortir de la pandémie sans se préoccuper des pays qui n’ont toujours pas accès à la première dose de vaccin ? L’OMS appelle les dirigeants des pays riches à regarder au-delà d'« objectifs nationalistes étroits », avec peu d’écho. Il est pourtant décisif d’augmenter la pression, en Suisse aussi, pour que les pharmas lèvent les brevets sur les vaccins et les traitements contre le Covid-19. Or nos autorités font exactement le contraire.

Manif le 30 octobre
Toutes ces questions seront au cœur de la manifestation nationale pour la santé publique, que nous organiserons à Berne le 30 octobre. Réservez la date !
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