Les profits d’abord, la santé ensuite

de: Beatriz Rosende, secrétaire centrale SSP

Les faîtières patronales font campagne pour un déconfinement express, malgré les nouveaux variants. Elles font à nouveau passer les bénéfices avant la santé des salarié-e-s et de la population.

photo Eric Roset

Dans un communiqué de l’Union suisse des arts et métiers (USAM), Werner Scherrer, le président de la section zurichoise de la faîtière patronale, demande au Conseil Fédéral de stopper la « spirale mortifère ». Étonnant ? La fin de son appel refroidit toute illusion: « Et laissez-nous sauver nos entreprises ».

Le business d’abord
La santé de l’entreprise passe avant celle de la population et des salarié-e-s. Rien de nouveau, les milieux patronaux n’ont jamais été exemplaires dans leur politique de prévention ou en matière de santé au travail et de droits sociaux. Rappelons la réticence des employeurs à accepter l’interdiction du tabac dans les restaurants. N’oublions pas leur opposition tout aussi farouche à introduire un salaire minimum de 4000 francs bruts pour leur personnel. Idem dans la vente. Dans ce même communiqué, les patrons suggèrent que « dans le commerce de détail, les entreprises et la clientèle pourraient bénéficier d’un assouplissement aussi généreux que possible des heures d’ouverture des magasins (1)» . C’est un autre cheval de bataille des grands groupes de distribution: assouplir les horaires des magasins. Ce que veut l’USAM, c’est imposer davantage de libéralisation sous prétexte de crise sanitaire.

Pourquoi « la déprime » ?
Les employeurs vont jusqu’à se préoccuper de l’importante « perte de l’intégration sociale » des clients de restaurant – tout en oubliant celle des dizaines milliers de salarié-e-s plongé-e-s dans la précarité. On a pu lire en effet dans la presse que la population déprime, un phénomène qui serait accéléré par le confinement. Soulignons d’abord que la Suisse n’a pas connu de confinement strict, contrairement aux pays voisins. À l’exception des périodes de quarantaine, personne n’a été privé de sa liberté au motif du virus. Un sentiment de mal-être se fait sentir dans de larges couches de la population, mais encore faudrait-il se pencher sur ses véritables causes. Notamment le rôle joué par l’absence de véritable protection sociale, la dégradation des conditions de travail et le fossé qui sépare les prescriptions en matière de santé publique des impératifs de productivité.

Quid des inégalités ?
Les inégalités sociales sont un autre angle mort dans le débat en cours. En France voisine, l’Observatoire du bien-être a produit un rapport sur les effets du premier confinement. Des scientifiques ont mesuré l’indice d’anxiété – hors période Covid également. Résultat: l’anxiété est liée au niveau du revenu. Gagner moins de 2000 euros par mois génère une angoisse permanente, avec ou sans crise sanitaire. À l’inverse, si le revenu est supérieur à 3200 euros, l’indice d’anxiété augmente clairement en 2020, mais n’atteint jamais le niveau de l’indice le plus bas des plus pauvres en temps « normal ».

Le rapport français n’est pas transposable entièrement en Suisse, notamment en raison des différences dans la gestion de la pandémie. Mais on se rend bien compte que l’anxiété du serveur ou de la vendeuse qui gagne péniblement 4000 francs avec les pourboires, et qui perd les pourboires et 20 % de son salaire en RHT, sera bien plus forte que celle du directeur des HUG qui touche 379'600 francs par an.

Des revendications syndicales
L’USAM, Economiesuisse et l’ensemble de la droite, UDC en tête, font le forcing pour tout ouvrir le plus vite possible. Leurs propositions sont mortifères pour la santé. On est loin d’avoir compris tous les mécanismes de contamination de ce virus. Mais ce qui est sûr, c’est que depuis que la fermeture des bistrots et autres lieux non indispensables, le taux d’hospitalisation des malades Covid et les décès ont fortement diminué. Pour continuer sur cette lancée tout en luttant contre la précarisation en cours, les priorités doivent être de renforcer la protection de la santé sur les lieux de travail et leur contrôle, de compenser à 100% les pertes de revenu pour les salarié-e-s gagnant jusqu’à 5000 francs mensuels, d’allonger la durée du droit à l’assurance-chômage et d’alléger les exigences qui s’exercent sur les salarié-e-s

Prise de position des délégué-e-s du secteur santé SSP
La crise sanitaire reste pleine d’inconnues. On ignore si une personne vaccinée peut encore être contagieuse. Il n’est pas encore certain non plus que le vaccin administré protège des variants.

Le vaccin ne suffira donc pas. Les mesures d’hygiène et de protection doivent rester en vigueur. Avec une attention pour les collègues vulnérables. Même vaccinées, ces personnes ne doivent pas être appelées à travailler dans des services Covid.

En Suisse, il n’y a donc pas d’accès prioritaire au vaccin pour les personnels soignants. Pourtant, un tel accès devrait être une des mesures de protection prioritaires.

Le SSP s’oppose à une obligation de vaccination pour certains groupes professionnels. Toutefois, dans les cas où une personne exerce une activité exposée et a un contact étroit avec des personnes contaminées ou vulnérables, la protection des tiers doit toujours être prise en compte.

Dans certains secteurs, l’obligation de se faire vacciner peut être justifiée. Un exemple: dans les hôpitaux, le risque de rougeole doit être écarté pour les services accueillant des enfants immunodéprimés. Les soignant-e-s doivent être vacciné-e-s s’ils/elles n’ont pas contracté la rougeole. Cependant, les vaccinations doivent être sûres et efficaces. À ce stade, il n’est donc pas possible d’imposer le vaccin contre le Covid-19.

Pour protéger les personnes malades et vulnérables, il faut encore et toujours:

  • Disposer de suffisamment de personnel bien formé et suivant régulièrement des formations continues.
  • Aménager des conditions de travail garantissant une protection de la santé pour tous et toutes.

(1) https://www.sgv-usam.ch/fr/grands-axes-politiques/politiquel
(2) https://www.alternatives-economiques.fr//hauts-bas-bien-etre-francais-2020