AVS21: le référendum se rapproche

de: Journal "Services Publics", 7 mai 2021

Conseil fédéral et droite sont déterminés à imposer l’élévation de l’âge de la retraite des femmes.

Eric Roset

Le 30 avril, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil national s’est penchée sur le projet de contre-réforme des retraites. La majorité de droite de la CSSS s’est prononcée en faveur d’une élévation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, en quatre étapes.

Compensations raccourcies

Pour faire passer la pilule, la commission reprend l’idée de «compensations», mais veut limiter leur versement aux six années suivant le passage aux 65 ans – contre neuf prévues par le Conseil fédéral et le Conseil des Etats. Seules les femmes âgées de 59 ans lors de l’entrée en vigueur de la contre-réforme seront concernées.

Concrètement, les salariées de cette «génération transitoire» toucheront un montant de 150 francs si leur revenu annuel est inférieur à 57 360 francs, 100 francs pour les revenus jusqu’à 71 700 francs, 50 francs au-delà. Le montant de ces compensations est légèrement supérieur à celui prévu par le Conseil des Etats, mais plus bas que celui fixé initialement par le Conseil fédéral. De plus, comme le Conseils des Etats, la commission du Conseil national a fixé l’âge minimum de la retraite anticipée à 63 ans au lieu de 62 (projet du Conseil fédéral). Globalement, les mesures transitoires sont nettement inférieures au montant économisé via l’élévation de l’âge de la retraite des femmes – plus de 10 milliards en dix ans.

Au chapitre du financement de l’AVS, la CSSS propose d’augmenter la TVA de 0,4 point contre 0,3 point pour le Conseil des Etats. Rappelons que le projet de départ du Conseil fédéral prévoyait une hausse de 1,5 points, ramenée à 0,7 points après l’adoption de la RFFA.

Cimenter les 65 ans

Une belle unanimité se dessine donc entre le Conseil fédéral et une majorité du parlement pour augmenter l’âge de la retraite des femmes. Comme pour cimenter cette mesure, le Conseil fédéral l’a d’ailleurs introduite dans sa Stratégie 2030 pour l’égalité, rendue publique le 28 avril dernier. La retraite à 65 ans pour les femmes y figure sous un chapitre intitulé «la situation des femmes est considérablement améliorée». Les travailleuses apprécieront.

Les 66 ans dès 2030?

Les milieux bourgeois ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Une majorité de la CSSS a aussi décidé de donner mandat au Conseil fédéral «de soumettre au Parlement, d’ici au 31 décembre 2026, un projet de stabilisation de l’AVS pour la période 2030 à 2040». Ce nouveau projet devrait proposer une élévation de l’âge de la retraite à 66, voire 67 ans pour toutes et tous . Cela explique pourquoi la commission a décidé de réduire à six ans la durée des compensations destinées aux femmes touchées par AVS 21: l’objectif est d’éviter que ces mesures transitoires soient encore en vigueur en 2030, au moment où devrait entrer en vigueur la nouvelle contre-réforme de l’AVS.

Et pourtant, elle tourne…

Selon les partisans d’AVS 21, la raison d’être du projet serait la situation financière difficile de l’AVS. «Le financement de l’AVS se dégrade rapidement depuis 2014. Les recettes ne suffisent plus à couvrir les rentes en cours», note le Message du Conseil fédéral sur la question. Pourtant, les dernières nouvelles du bord sont plutôt réjouissantes. Selon Compenswiss, l’entité qui gère les fonds de l’AVS, de l’AI et des APG, les finances de l’assurance vieillesse et survivants (AVS) ont bouclé l'année 2020 sur un bénéfice de 1,9 milliard de francs. Même le résultat de répartition a clôturé sur un excédent de 579 millions, grâce aux recettes supplémentaires amenées par le relèvement des cotisations AVS. La fortune du premier pilier, elle, se monte à 33,4 milliards. Bref. On est loin du scénario catastrophe établi par le Conseil fédéral, qui annonce un épuisement des recettes l’horizon 2030.

Référendum assuré?

À gauche, les propositions issues du Conseil des Etats et de la commission du Conseil national ont suscité une levée de boucliers. «La droite ne cherche pas de stabilisation et de solutions à long terme, car son objectif reste une augmentation de l’âge de la retraite pour toutes et tous», a dénoncé Pierre-Yves Maillard, président de l’USS et conseiller national PS. «La Commission compétente du Conseil national décide d’une réforme de l’AVS qui se fera sur le dos des femmes: elles devront de facto accepter une baisse de leur rente de vieillesse», souligne l’USS.
Le plénum du National se prononcera sur AVS 21 durant sa session de juin. Puis le dossier reviendra au Conseil des Etats. L’heure du référendum se rapproche.