École sous pandémie

de: Philippe Martin, secrétaire central SSP

Les conditions de réouverture des écoles obligatoires ont suscité de nombreuses inquiétudes. L’enjeu aujourd’hui est l’application réelle des mesures de protection.

Photo Eric Roset

C’est donc ce lundi que les écoles obligatoires vont rouvrir. Annoncée le 16 avril, cette décision du Conseil fédéral a donné lieu à beaucoup de réactions, surtout dans les cantons les plus touchés par la pandémie. En Suisse romande, notre syndicat a d’emblée dénoncé le fait que cette réouverture répondait essentiellement à la volonté d’occuper les enfants pour que les parents puissent retourner au travail, faisant ainsi passer une nouvelle fois les profits avant la santé des salarié-e-s.

Les arguments sanitaires priment

Dans ses prises de positions, tant dans les cantons que sur le plan romand, le SSP a demandé qu’un plan sanitaire soit établi, soulignant qu’une reprise n’est pas envisageable sans des mesures de protection clairement définies et adaptées à la situation. Comme le rappelait le groupe Enseignement du SSP Genève, «il est inacceptable de laisser les enfants, les enseignant-e-s et autres personnels des établissements scolaires risquer une contamination dans des conditions sanitaires ne respectant pas pleinement les protections barrières».

Les enseignant-e-s sont certes impatient-e-s de retrouver un contact direct avec leur élèves, conscient-e-s que malgré leurs efforts l’«enseignement» à distance ne fait souvent qu’accroître les inégalités. Mais «si une reprise des écoles et d’autres activités essentielles est souhaitable dès que possible, cela implique de s’inscrire dans une gestion de la crise qui place les arguments sanitaires en premier» insistait le SSP-Enseignement dans le canton de Vaud.

Le Conseil fédéral n'en a cure

Cette inquiétude ne s’est pas limitée aux organisations d’enseignant-e-s. Dans un sondage en ligne du quotidien 24 heures, une majorité de répondant-e-s a estimé qu’une reprise le 11 mai était «une mauvaise idée», en raison principalement des difficultés à respecter les règles d’hygiène. Une pétition émanant de parents et d’enseignant-e-s, intitulée « Non à l’ouverture des écoles obligatoires le 11 mai dans toute la Suisse!» a recueilli 18 000 signatures en huit jours.

Les autorités n’ont guère prêté d’attention à ces préoccupations. Lors de sa conférence de presse du 29 avril, principalement soucieux de donner un coup d’accélérateur à la reprise des activités économiques, le Conseil fédéral a pour l’essentiel renvoyé aux cantons la tâche de définir les conditions de la réouverture des écoles. Le même soir au journal télévisé, le conseiller fédéral Alain Berset se permettait même d’ironiser sur «la pression, au début, de la Suisse romande d’enfermer tout le monde à double tour à la maison».

Une reprise progressive

Les cantons latins se sont mis d’accord pour mettre en place une rentrée par demi-classes, selon des modalités pratiques variant d’un canton à l’autre. Si cette approche progressive est préférable à une rentrée complète le 11 mai, comme dans certains cantons alémaniques, de nombreuses imprécisions et incohérences demeurent. Alors que dans ses «principes de base pour la reprise de l'enseignement présentiel à l’école obligatoire» du 29 avril 2020, l’Office fédéral de la santé publique indique que dans les écoles de musique les cours sont limités à un maximum de 5 personnes, comment expliquer que, dans les écoles obligatoires, on puisse aller jusqu'à des demi-classes de 12 ou 13 enfants? Si on se base sur le postulat que les enfants jusqu’à 10 ans voire jusqu’à 14 ans ne sont pratiquement pas vecteurs du virus, peut-on oublier que les écoles obligatoires accueillent des élèves de 15 ans, 16 ans et parfois plus? Et en matière de transports publics – qui donnent la consigne d’éviter les heures de pointe… – et de transports scolaires, les interrogations restent nombreuses.

Quelle mise en œuvre?

La principale question désormais est de savoir si les mesures de protection seront réellement et totalement appliquées dans chaque établissement. Le SSP Enseignement Vaud a ainsi demandé qu’un système de contrôle soit mis en place et que les collègues puissent « refuser de se rendre au travail au cas où les règles ne seraient pas respectées».

N’hésitez pas à transmettre au secrétariat SSP de votre région toutes les situations problématiques que vous pourriez constater!


Et les personnes à risque?

La protection des personnes vulnérables est une préoccupation majeure de notre syndicat. Les salarié-e-s vulnérables (enseignant-e-s et autres employé-e-s travaillant dans les écoles) n’ont pas à se rendre au travail. La situation est moins claire pour les salarié-e-s vivant avec une personne vulnérable.

Dans certains cantons, des solutions au cas par cas sont envisagées. A Fribourg, il est prévu que les enseignant-e-s vivant avec une personne à risque devront assurer un enseignement présentiel ou pourront demander un congé non payé. Pour le Groupe Enseignement du SSP – Région Fribourg, «ces personnes doivent bénéficier de la même protection que les personnes à risque et donc pouvoir travailler depuis la maison».

Les enfants vulnérables et ceux vivant avec des personnes à risque ne doivent pas être obligés de retourner en classe.

Par ailleurs, le Groupe Enseignement du SSP Fribourg a également demandé que l’effort important accompli par les enseignant-e-s durant la période de confinement partiel soit reconnu et que cela se traduise «par des engagements concrets , notamment une baisse des effectifs des classes.

Il a également contesté la décision cantonale de maintenir les examens écrits de maturité, alors que tous les autres cantons romands les ont supprimés. La décision prise par Jean-Pierre Siggen, le chef de l’Instruction publique fribourgeoise, a suscité une telle levée de boucliers que le conseiller d’Etat a dû faire marche arrière et annuler ces examens. PM