Douche froide pour le personnel

de: Beatriz Rosende, secrétaire centrale SSP

Le président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), Lukas Engelberger, vient de confirmer ce que la plupart des autorités cantonales et autres employeurs du secteur murmurent depuis quelques semaines: il n’y aura pas de corona-prime.

photo Eric Roset

M. Engelberger explique: « Les charges salariales représentent la plus grande part des coûts des soins de la santé (…) Il n'est pas sérieux de faire miroiter au personnel infirmier une hausse globale des salaires. (1)»

C’est clair, mais pas très courageux. Le président de la CDS aurait-il osé lâcher la même phrase en pleine crise sanitaire – quand, jour après jour, le personnel de santé soignait des malades, sauvait des vies, désinfectait, analysait, sans matériel suffisant pour se protéger, alignant les heures supplémentaires et vivant avec l’angoisse provoquée par un virus mal connu ?

L’ex-conseiller national (UDC) Heinz Brand, non réélu au parlement fédéral l’automne dernier, a en revanche été reconduit à la tête de santésuisse, la principale organisation faîtière des caisses maladie. Dans la presse, M. Brand appelle à « avoir le courage d'aborder de front les sujets qui fâchent.» Avant de préciser: «Il faut arrêter de croire que nous allons réussir à baisser les coûts de la santé sans faire de sacrifices (…) C'est une erreur de croire qu'il ne faut plus fermer des hôpitaux lorsqu'ils ne sont plus rentables. (2)»

Les prises de position de MM. Engelberger et Brand ne tombent pas du ciel. Elles indiquent l’option prise par les autorités politiques (Conseil fédéral et cantons), les assureurs et les acteurs privés de la santé: imposer au plus vite un « retour à l’anormal » dans le secteur: les privatisations, les fermetures d’hôpitaux publics et les attaques contre le personnel doivent continuer. Cela implique de doucher au plus vite les revendications du personnel et briser la solidarité qui s’est tissée avec la population. Dans cet objectif, les tirades sur les « coûts de la santé » - thème phare de la dernière publication du Secrétariat d’Etat à l’économie (3) - reviennent en force.

L’argent ne manque pourtant pas partout. Ce printemps, en pleine pandémie, les actionnaires des principales entreprises helvétiques ont reçu une somptueuse corona-prime: 63 milliards de francs.

Contrairement aux actionnaires, le personnel de la santé a démontré son utilité sociale durant la pandémie. Il est plus que légitime d’exiger une compensation financière pour son effort colossal, ainsi que les investissements nécessaires au développement d’un secteur vital pour la population. Cela aura un coût ? Que les autorités exigent leur contribution aux actionnaires et aux CEO, qui nagent dans les milliards et bénéficient de cadeaux fiscaux à répétition !

Nos revendications sont plus justifiées que jamais. Mais pour les imposer, nous devrons nous mobiliser très largement, avec le soutien de la population.

C’est la voie dans laquelle s’engagent nos collègues vaudois-e-s, qui appellent à la lutte en septembre. Une initiative qui devrait faire tache d’huile.


Mobilisons-nous dès l’automne !

(1) Tages Anzeiger, 17 juin 2020.
(2) Le Temps, 26 juin 2020.
(3) Seco: Prendre le pouls des coûts de la santé. La Vie économique, N°7, 2020.