Après le 14 juin, on ne lâche rien

de: Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP

La grève féministe et des femmes a été historique.

Photo: Fox Kijango

Jamais la Suisse n’a connu une mobilisation aussi massive: un demi-million de femmes et d’hommes solidaires ont participé aux manifestations en fin d’après-midi. S’ajoutent des dizaines de milliers de femmes qui ont participé la nuit ou la journée aux actions décentralisées qui ont eu lieu un peu partout sur les lieux de travail, dans de nombreuses villes, dans des villages et des quartiers. Plus nombreuses qu’en 1991 et aussi déterminées que l’étaient les femmes à l’époque.

Une immense vague violette a investi tout le pays: de St-Gall à Genève, de Chiasso à Bâle. Partout, les femmes ont croisé les bras pour revendiquer l’égalité et dire haut et fort, en slogans et en chansons, que nous en avons assez! Assez des inégalités. Assez des discriminations ! Assez de la violence machiste !

Cette vague de solidarité a vu les femmes unir leur voix, souvent dans une émotion profonde, et dans un élan de sororité rarement vu. Fières d’être femmes. Et féministes. Ce mot, que beaucoup ne pouvaient prononcer avant tellement il a été décrié, s’est libéré et a permis à des dizaines de milliers femmes d’exprimer cette volonté commune de lutter ensemble pour nos droits, nos libertés, pour le respect de nos corps et de nos vies.

Réaliser une grève féministe en Suisse était pourtant un sacré pari ! Lancée lors du Congrès des femmes de l’USS, à l’initiative des femmes du SSP, l’appel à la grève a véritablement pris corps à partir des Assises romandes du 2 juin 2018, qui avaient réuni plus de 150 femmes – syndiquées ou non, organisées ou non, convaincues que le patriarcat a fait son temps et qu’il faut lutter contre un système économique où le profit de quelques-uns compte davantage que la vie de la majorité de la population. À partir de cette date, des collectifs ont été créé dans tous les cantons; un Manifeste a été élaboré; un réseau romand et national mis sur pied.

De jour en jour, nous avons senti le mouvement grandir. Malgré les tentatives de nous décrédibiliser, nous ridiculiser ou nous faire peur, rien n’a pu arrêter notre détermination. Nous avons été de plus en plus nombreuses. Durant les dernières semaines, l’intérêt des médias a gonflé, donnant enfin une visibilité aux discriminations que nous vivons depuis longtemps dans l’indifférence générale. On a parlé de l’ampleur des inégalités salariales, des rentes trop basses, du scandale des femmes qui perdent leur emploi pendant ou après la grossesse, ou encore du drame des violences sexistes. Cette prise de conscience a touché des centaines de milliers de femmes, y compris de nombreuses journalistes qui ont aussi rejoint la grève. Sur les lieux de travail, des cahiers de revendications réclament des mesures comme la valorisation des métiers féminins, la réintégration du personnel de nettoyage dans le public, le respect d’horaires de travail compatibles avec la vie familiale et privée, ou encore une retraite à 60 ans pour le personnel de la santé.

Après le succès du 14 juin, l’envie est grande de continuer. Continuer à porter les revendications du Manifeste, mais aussi celles qui ont été élaborées sur les lieux de travail. Nos revendications forment un tout et nous ne voulons pas en choisir une au détriment des autres: la lutte contre le sexisme est tout aussi importante que l’égalité et la valorisation des salaires des femmes; nous ne lâcherons rien sur l’âge de la retraite des femmes; nous voulons non seulement un congé paternité, mais aussi un véritable congé parental. Nous serons avec les femmes migrantes pour défendre le droit de rester, le droit à être régularisée, le droit à être protégée par la Loi sur le travail lorsqu’on est employée dans l’économie domestique. Et ce n’est pas tout !

De nombreuses femmes politiques, des conseillères d’Etat et des élues municipales étaient le vendredi 14 juin dans les manifestions. Maintenant est arrivé le temps des réponses concrètes à nos revendications. Nous ne voulons ni des effets de manche, ni des promesses dans le vent. Nous voulons l’égalité. Et nous resterons mobilisées tant qu’il le faudra !

Toutes les régions de Suisse romande se sont mobilisées massivement. Lire les témoignages et récits dans l'édition Spéciale Grève des Femmes du journal Services Publics.