Carotte pour les firmes, bâton pour les femmes!

de: Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP

Le Conseil fédéral veut laisser passer la votation sur la RFFA et les élections fédérales. Puis remettre l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes sur la table. Nous ne nous laisserons pas avoir!

photo Eric Roset

Le Conseil fédéral avait mis en consultation le projet de réforme AVS 21 l’année passée, avec un délai de réponse à la consultation officielle fixé à fin 2018. Il vient d’en présenter les résultats, assortis d’un nouveau planning.

Côté consultation, Alain Berset se dit satisfait d’avoir une majorité de réponses positives. Peu importe que le camp dont il est issu, soit le Parti socialiste suisse (PSS), les Verts, les syndicats et les organisations de femmes s’y opposent. Côté planning, le Conseil fédéral annonce qu’il présentera son rapport à la fin août. L’actuel parlement ne sera donc pas saisi de cette réforme.

En attendant la RFFA

La réforme sur la fiscalité est le résultat du deal passé entre la droite et le parti socialiste. La première a obtenu, à peu de chose près, ce que le peuple lui avait refusé lors de la votation sur la RIE III. Le deuxième met en avant les deux milliards de francs qu’il a obtenus pour l’AVS, se félicitant d’avoir renforcé le financement de l’assurance sociale, mais aussi d’avoir éloigné la hausse de l’âge de la retraite des femmes. Au printemps dernier, Christian Levrat, président du PSS, allait jusqu’à déclarer: «Pour le PS, la question de l’élévation de l’âge de la retraite des femmes est liquidée. Rendez-vous compte, cette élévation aurait rapporté 1,3 milliard au fonds AVS. Avec notre compromis, ce sont 2 milliards qui ont été trouvés» [1] .

Attendre les fédérales

Ce résultat aurait dû se traduire par le retrait du projet d’AVS 21. Il n’est est rien. Le rapport du Conseil fédéral est juste reporté après les élections fédérales. Cela facilite le partage des rôles entre le ministre socialiste, Alain Berset, et son ami, le président du PSS Christian Levrat. Car loin d’éloigner l’élévation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, AVS 21 en fait sa principale mesure!

Si la RFFA passe, ce paquet aura comme conséquence de réduire de moitié, au moins, la hausse de la TVA prévue initialement par AVS 21 – de 1,5% à 0,7%. Un pourcentage que la droite juge encore trop élevé et qu’elle tentera de raboter, une fois la réforme de la fiscalité des entreprises dans la poche. On comprend donc l’intérêt des partis, en premier lieu du côté socialiste, à renvoyer le débat sur l’âge de la retraite au lendemain des élections fédérales. D’autant que 2019 est une année féministe, et que le PSS veut se profiler comme un parti favorable à l’égalité et aux femmes.

Une réforme contre les femmes!

Augmenter l’âge de la retraite est une mesure impopulaire, comme l’ont montré les précédentes votations sur le sujet. Et pour cause. Au-delà de quelques femmes qui bénéficient de conditions exceptionnelles – pensons à Mme Leuthard, qui touchera une rente de 225 709 francs agrémentée d’un revenu d’appoint de 200 000 francs pour sa participation aux conseils d’administration de Coop et Bell –, la très grande majorité des femmes doivent se contenter d’une rente modeste. Plus d’un tiers d’entre elles n’ont que l’AVS pour vivre. Dans un contexte d’inégalités persistantes durant la vie active, AVS 21 représente donc une réforme contre les travailleuses. En particulier celles qui ont des conditions de travail pénibles, des salaires bas et qui, même à bout de forces, ne pourront pas choisir une retraite anticipée – parce qu’elles n’en auront pas les moyens.

Temps partiel puni

AVS 21 punit aussi les femmes qui ont pris un emploi à temps partiel pour se consacrer à leurs enfants. Car le temps partiel est un obstacle à l’évolution professionnelle, mais aussi l’une des raisons du bas niveau des rentes féminines.

Enfin, AVS 21 ne prend pas en considération le travail non rémunéré, indispensable à la société, qu’offrent les jeunes retraitées. Ces dernières assurent en effet une grosse partie du travail informel bénévole, en premier lieu la garde des petit-enfants. Elles permettent ainsi aux jeunes générations d’être actives professionnellement.


En grève pour assurer nos retraites!

Le 14 juin prochain, nous ferons grève pour de nombreuses raisons – dont le refus de la hausse de l’âge de la retraite des femmes.

Il n’est pas question de nous imposer une régression sociale de cette ampleur.

Ce n’est pas aux femmes de payer. Elles constituent en effet le parent pauvre des assurances sociales, en particulier de la prévoyance vieillesse: en moyenne les rentes des femmes sont largement inférieures à celles des hommes!

Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de mettre fin à la baisse inexorable des rentes du 2e pilier. C’est à ce niveau qu’il y a urgence.

Entre 2013 et 2018, la rente médiane versée par la LPP a baissé de 36'880 francs à 29'600 francs [2], soit une perte de 7200 francs par année. C’est un désastre pour tout le monde. Mais c’est encore pire pour les femmes: leurs rentes du 2e pilier sont, en moyenne, de 63% inférieures à celles des hommes.

Pour l’avenir de nos retraites, nous devrons donc imposer la seule solution viable: un véritable renforcement de l’AVS, au détriment du 2e pilier.

Y parvenir ne sera pas facile. Mais ce sera une bataille indispensable!

(1) 24 heures, 26 mai 2018
(2) Swisscanto Prévoyance SA 2018: Etude sur les caisses de pensions. Cité par Denknetz