À la mi-juillet, les ex-salarié-e-s de l’Hôpital La Providence, licencié-e-s en 2013 pour fait de grève, ont déposé un recours à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ils dénoncent le non-respect du droit de grève par leur ex-employeur – soutenu par les tribunaux helvétiques.
Il s’agit d’une bataille importante. D’abord, pour les salarié-e-s concerné-e-s, licencié-e-s pour avoir osé défendre leur CCT. Ensuite, pour l’ensemble des travailleurs/-euses de la santé, confronté-e-s à une vague de libéralisation-privatisation – et donc à la nécessité de lui opposer des moyens de lutte adéquats.
Mais l’enjeu va au-delà. Aujourd’hui, en Suisse, un salarié-e qui défend ses droits ne bénéficie pas d’une protection digne de ce nom. Dernier exemple en date: le licenciement de Mickaël Béday, délégué syndical au sein de l’entreprise horlogère Dubois Dépraz. Son crime: avoir organisé ses collègues pour revendiquer l’application de la CCT de l’horlogerie dans sa boîte.
Cette absence de protection se paie cash. Pour les militant-e-s licencié-e-s, mais aussi pour l’ensemble de leurs collègues. Car sans lutte collective, sans ce moyen de pression indispensable qu’est la grève, le rapport de forces employeur-employé est trop inégal. D’autant plus lorsque les actionnaires profitent d’un capitalisme globalisé pour exiger des taux de rentabilité très élevés.
Conséquence: les salaires et conditions de travail se dégradent, la précarité progresse. En Suisse, de 2016 à 2018, les entreprises ont augmenté leurs bénéfices de 10%, pendant que les salaires réels reculaient de 0,5% (1) ; en 2017, 400 000 salarié-e-s, dont une majorité de femmes, cumulaient deux jobs – une tendance qui « semble lever le voile sur une précarisation du marché du travail toujours plus marquée »(2) .
Tant que les salarié-e-s qui élèvent la voix pourront être viré-e-s en toute impunité, il sera difficile de contrer cette dégradation sociale. La mobilisation collective reste notre meilleur atout, mais elle doit s’accompagner du renforcement des droits syndicaux. Cela implique deux mesures de base: inscrire dans la loi la possibilité de réintégrer un-e salarié-e victime de licenciement antisyndical – sur le modèle de ce que prévoit l’article 10 de la Loi sur l’égalité; et interdire les licenciements pour motif de grève.
Le débat sur les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) peut être l’occasion de faire avancer ces revendications.
D’un côté, les milieux économiques et le Conseil fédéral veulent signer à tout prix un accord-cadre avec l’UE – pérennisant ainsi les accords bilatéraux, lucratifs pour les patrons mais qui renforcent la concurrence entre salarié-e-s. De l’autre, l’UDC tente de dévier la colère sociale sur nos collègues immigré-e-s et propose de résilier les accords de libre-circulation.
Ce contexte devrait inciter l'Union syndicale suisse à exiger la garantie des droits syndicaux, une mesure d’accompagnement indispensable pour préserver les intérêts de l’ensemble des salarié-e-s – suisses comme immigré-e-s.
Une avancée sur ce terrain renforcerait les résistances collectives et solidaires face au capitalisme néolibéral. Alors qu’une nouvelle crise financière pointe le nez, ce serait aussi le meilleur pare-feu face à la droite radicale.
(1) Work, 28 juin 2019.
(2) Le Temps, 20 août 2019.