AVS 21 : les femmes sont en colère !

Le Conseil fédéral vient de présenter sa nouvelle réforme de l’AVS. Malgré le refus de PV 2020 en votation, le projet veut augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.

(photo Eric Roset)

La nouvelle version de la réforme des retraites, dont les grandes lignes avaient été dévoilées au mois de février dernier, vient d’être présentée par le Conseil fédéral. En résumé, on prend les mêmes et on recommence.

En détail, le projet ne porte que sur l’AVS – alors que le 2e pilier fait l’objet de négociations séparées entre partenaires sociaux, dont rien ne filtre pour l’instant.

65 ans pour les femmes

AVS 21 tient en deux mesures: l’élévation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, et la hausse de 1,5 points de TVA. Si le deal entre réforme fiscale et financement de l’AVS, dit RFFA, venait à passer la rampe du Conseil national, le relèvement de la TVA serait réduit à 0,7%. Quant à la hausse de l’âge de la retraite, elle serait maintenue. Voilà qui devrait permettre à Christian Levrat, président du Parti socialiste suisse (PSS), de passer des paroles aux actes puisqu’il annonçait récemment que « si la hausse de l’âge de la retraite des femmes est votée par le parlement, nous lancerons un référendum » [1].

Il y a un noeud

Liquider la question de la hausse de l’âge de la retraite des femmes a été un des arguments forts avancés en faveur d’un deal entre le Projet fiscal 17 (PF 17) et un financement additionnel de l’AVS – correspondant au montant supposé des pertes fiscales cumulées pour la Confédération, les cantons et les communes, soit 2,1 milliards de francs. La présentation d’AVS 21 par Alain Berset, qui inclut la hausse de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans malgré le résultat du vote sur PV 2020, jette donc un pavé dans la marre.

Dans les chiffres noirs

Le point de départ pour justifier AVS 21 reste la situation financière de l’AVS. Or, contrairement aux prévisions catastrophistes servies par le Conseil fédéral, les finances de l’AVS ne se sont pas effondrées en 2017. Au contraire. Si on inclut dans les recettes le produit du capital et la bonification des intérêts de l’AI, le résultat du compte affiche un bénéfice de 1,087 milliard de francs. Cela n’exclut la nécessité de renforcer le financement de cette assurance sociale au niveau des cotisations, qui sont bloquées depuis 1975. Mais la situation ne justifie en aucun cas une mesure précipitée et néfaste pour une majorité de la population, telle la hausse de l’âge de la retraite.

10 milliards sur notre dos !

D’après le communiqué de presse du Conseil fédéral « les femmes fourniront une contribution substantielle d’un montant de 10 milliards de francs ». Enorme ! Quant aux « compensations » promises, elles sont dérisoires: selon les chiffres officiels, seules 25% des femmes nées entre 1958 et 1966 pourraient faire usage du premier modèle (dont le coût est estimé à 400 millions par an), qui consiste à ne pas réduire la rente des travailleuses qui partiraient à 64 ans et dont le salaire est inférieur à 4700 francs par mois (sur 12 mois); pour les autres, la rente serait abaissée de 2%! Quant à deuxième modèle, plus « généreux », dont le coût est estimé à 800 millions par an et dont les chances de passer sont moindres, il consiste en une incitation financière visant à pousser les femmes de cette génération transitoire à travailler plus longtemps, soit jusqu’à 65 ans ou au-delà !

Inégalités des rentes

Une fois de plus, le Conseil fédéral veut faire payer les femmes, alors qu’elles sont le parent pauvre de la prévoyance vieillesse comme le témoigne la Statistique 2016 des nouvelles rentes versées. La rente moyenne versée par le 2e pilier est de 1 275 francs pour les femmes qui partaient à la retraite à 64 ans. La rente des hommes qui partent à 65 ans est de 2 220 francs, soit une différence de 57% ! Bon à savoir : les salariés qui ont les rentes les plus hautes ne sont pas celles et ceux qui triment le plus longtemps, mais ce sont les hommes qui partent à la retraite entre 58 et 60 ! Ils touchent une rente moyenne du 2ème pilier de 4 100 francs (les femmes qui partent au même âge touche une rente moyenne d’environ 2 000 francs). En clair, la retraite anticipée est le lot de quelques cadres bien payé, alors que les femmes et les salariés avec des emplois pénibles, à l’exemple des maçons, devront trimer de plus en plus longtemps pour assurer juste leur survie à la retraite. Pour ces bien lotis, AVS 21 n’aura aucun effet. Ils pourront toujours profiter de la vie, de leurs loisirs et de leur famille !

Toutes à berne le 22 septembre

Le projet du Conseil fédéral s’ajoute à la somme des inégalités et des discriminations que les femmes vivent, encore et toujours, au niveau professionnel, dans la famille ou l’espace public. Les femmes ont donc de quoi être en colère!

AVS 21 confirme la nécessité d’une large mobilisation. D’abord, en participant massivement à la manifestation pour l’égalité et contre les discriminations, le 22 septembre prochain à Berne.

Ensuite, et surtout, en préparant une grève des femmes pour le 14 juin 2019 !

Michela Bovolenta, secrétaire centrale SSP


[1] 24 heures, 26 mai 2018