Droit d'accès syndical: une importante victoire

Le Tribunal fédéral a tranché: les syndicats ont le droit d’accéder aux bâtiments publics. Un arrêt qui, selon l’USS, doit être élargi aux entreprises privées.

Les syndicats ont le droit d’accéder aux bâtiments publics. Dans un nouvel arrêt de principe (2C_499/2015), rendu le 6 septembre dernier suite à une procédure juridique de longue haleine menée par le SSP région Tessin, le Tribunal fédéral (TF) a établi que la liberté syndicale donne aux syndicats le droit d’accéder aux entreprises et d’informer leurs personnels. Cette décision est une importante victoire pour les syndicats. Qui devra être étendue.

Bras de fer juridique
Cet arrêt du Tribunal fédéral (TF) annule une décision du Conseil d’Etat tessinois. En 2011, ce dernier avait interdit aux syndicats l’accès aux bâtiments de l’administration cantonale, sauf en cas de dépôt d’une demande officielle. Il limitait aussi les réunions syndicales au personnel membre du syndicat – et voulait avoir un droit de regard sur le matériel d’information distribué par ce dernier.
Dans un premier temps, le SSP région Tessin avait recouru contre cette décision devant le tribunal cantonal. Ce dernier l’avait débouté, considérant que l’accès aux locaux de l’administration n’était pas indispensable à l’activité syndicale – et que son interdiction ne violait donc pas les droits syndicaux.
Le 6 septembre, le TF a donné raison au syndicat. Pour une majorité des juges fédéraux – la décision a été prise par quatre voix contre une –, les restrictions posées par le Conseil d’Etat tessinois constituent une infraction à la liberté d’association inscrite dans la Constitution – et donc à la liberté syndicale. L’arrêt du TF garantit donc aux syndicats le droit d’accéder aux bâtiments administratifs, moyennant quelques règles visant à éviter que le travail de l’administration ne soit perturbé.

Et les employeurs privés?
Le TF a précisé que son arrêt ne concerne que les bâtiments publics, et pas les terrains appartenant à des entreprises privées. L’Union syndicale suisse (USS) ne l’entend pas de cette oreille. À l’instar du SSP, la centrale syndicale estime que, par analogie, l’arrêt du 6 septembre doit être étendu au secteur privé.
Selon Luca Cirigliano, secrétaire central à l’USS, cet arrêt de l’instance judiciaire la plus élevée du pays confirme l’opinion juridique de l’USS, à savoir que les syndicats doivent pouvoir informer leurs membres et entrer dans les entreprises. Sinon, il ne leur est pas possible d’assumer réellement leur rôle.

Les bases légales
En Suisse, les droits d’accès aux entreprises et d’informer des syndicats découlent de toute une série de dispositions, soit de l’article 28 de la Constitution fédérale et des conventions nos 87, 98 et 135 de l’Organisation internationale du Travail. La Convention européenne des droits de l’homme permet aussi, à son article 11 (Liberté de réunion et d’association), aux travailleurs et travailleuses d’avoir des activités nécessaires à leur syndicat: en premier lieu, informer et recruter des membres.

Une interprétation large
Pour l’USS, il est évident que les droits des syndicats à accéder aux entreprises et à informer leurs personnels doivent être interprétés de manière large.
Il peut s’agir de la distribution de tracts sur les parkings des entreprises, de la mise à disposition de brochures dans les locaux de pause, de l’affichage d’informations sur les tableaux ad hoc ou d’entretiens personnels avec les employés sur le site de l’entreprise. La consultation des travailleurs en fait également partie, de même que l’utilisation de moyens électroniques, notamment l’intranet et les messageries.
Le TF a établi que l’interdiction faite aux syndicats d’accéder à une entreprise viole le droit supérieur. Si certaines modalités sont observées – on peut imaginer une annonce préalable, un accord sur le moment choisi ou le nombre de personnes – l’accès à l’entreprise, la prise de contact avec le personnel, devra être autorisé.
Pour pouvoir être étendu concrètement aux employeurs privés, cet élargissement de l’accès aux lieux de travail devra probablement faire l’objet de nouveaux bras de fer juridiques et syndicaux.